APRÈS L'ÉLECTION
Table des matières LA PREMIÈRE BÉNÉDICTION DE LÉON XIII.
Table des matières Après que Léon XIII eut reçu l'hommage de ses frères les cardinaux de la sainte Église romaine, le cardinal Guibert, archevêque de Paris, se leva au milieu de l'auguste assemblée et demanda la bénédiction du Pontife pour lui, pour le diocèse de Paris, pour la France tout entière. Léon XIII la lui donna, ajoutant qu'il aimait beaucoup la France, dont il connaissait le grand cour et le dévouement à l'Église. C'est ainsi que la France eut la première part aux bénédictions du nouveau Pontife. Si la bénédiction du prêtre nouvellement ordonné, de l'évêque nouvellement consacré, est recherchée comme apportant plus directement les faveurs célestes, cette première bénédiction du Pontife suprême aura sans doute incliné fortement le cour miséricordieux de Jésus vers notre patrie.
PROCLAMATION DU PAPE.
Table des matières Le mercredi, à midi, la foule qui attendait sur la place Saint-Pierre le résultat du troisième scrutin s'était dispersée, croyant que le troisième vote n'avait point encore produit de résultat définitif, lorsqu'à une heure apparut à la grande loge de la basilique vaticane le cardinal premier diacre, S. Ém. le cardinal Caterini, précédé de la croix et escorté de plusieurs prélats, qui prononça d'une voix haute mais bien émue ces paroles si solennelles: Annuntio gaudium magnum: Papam habemus Emûm ac Revmûm Dominum JOACHINUM, Sancto Romano Ecclesio presbyterum tituli S. Chrysogoni cardinalem PECCI, qui sibi nomen imposuit LEO DECIMUS TERTIUS.
La grande nouvelle se répandit en un instant dans toute la ville, et de la ville au dehors dans tout le monde catholique: le télégraphe l'apportait à Paris et dans toutes nos grandes villes vers quatre ou cinq heures. Entraînée par un indescriptible enthousiasme, une foule innombrable a bientôt envahi la place de Saint-Pierre et l'intérieur de la basilique. C'était partout une animation sans pareille, une joie aussi unanime et profonde qu'elle était subite: la joie des enfants demeurés orphelins et qui retrouvent tout à coup la vivante image de leur Père.
C'est qu'en effet on voyait évidemment l'action du Saint-Esprit dans cette élection si prompte et si providentiellement inspirée
LA BÉNÉDICTION DE LÉON XIII
Table des matières Urbi et Orbi.
A quatre heures une foule innombrable remplissait anxieuse la basilique de Saint-Pierre et l'immense place qui lui sert de portique. Le Pape donnerait-il la bénédiction de la loge extérieure, ou seulement dans l'intérieur du temple? Cette question, petite en apparence, était grosse de conséquences. Pie IX, depuis l'occupation piémontaise, avait cru que non-seulement le soin de sa dignité, mais l'obligation où il était de sauvegarder l'avenir, lui interdisait toute apparition en public, tout acte en dehors de l'enceinte du Vatican. Son successeur en jugerait-il de même? La réponse ne se fit point attendre.
A quatre heures un quart, le nouveau Pape, précédé de la croix, assisté de deux cardinaux-diacres, suivi de la plupart des membres du Sacré Collége, revêtu de la soutane blanche, avec la calotte blanche, se montrait à la tribune intérieure, restant dans la royale prison de la Papauté, ne descendant même point dans la basilique.
A ce moment s'élève un long frémissement, et le bruit aussitôt étouffé de trente mille poitrines haletantes prêtes à crier, malgré la sainteté du lieu, pour témoigner de la joie qui déborde. Les applaudissements éclatent, unanimes et puissants comme un vrai tonnerre. C'est l'acclamation du peuple chrétien.. Peu à peu cependant il se fait une sorte de silence: Le Pape est à genoux. D'une voix qui retentit dans toute la basilique, il récite les prières ordonnées par le Rituel; puis, élevant encore cette voix qui désormais commande au monde, il fait descendre sur son peuple, au milieu des larmes de l'assistance prosternée, la première de ses bénédictions: Benedicat vos omnipotens Deus, Pater, et Filius, et Spiritus Sanctus.
Le chapitre et le peuple répondent Amen.
L'émotion de la foule ne peut plus se contenir. De nouveaux applaudissements, des cris de: Vive le Pape! vive Léon XIII! partent à la fois de mille et mille poitrines, éveillant sous les voûtes de la basilique un écho formidable. Ces vivat du peuple romain, ces ardents témoignages d'amour et de respect ont témoigné une fois encore qu'aux yeux de tous le véritable roi de Rome c'est toujours le Pape. Le soir les illuminations sur la place Saint-Pierre et dans le Borgo furent des plus brillantes.
Le nouveau Pape sera bien vite populaire à Rome et dans le monde, puisque la popularité de Pie IX, que l'on a voulu n'attribuer qu'à sa personne, tenait tout d'abord à l'esprit de foi qui se réveille partout et à la situation que la Révolution a faite à la Papauté. Ainsi aux applaudissements du peuple romain ont aussitôt répondu les applaudissements de tout l'univers catholique. Le mercredi soir la nouvelle arrivait en France; le jeudi matin le drapeau pontifical était arboré de toutes parts; le dimanche les églises retentissaient du chant de l'action de grâces et les rues étincelaient des feux d'une illumination aussi générale que spontanée.
LES ARMOIRIES DE LÉON XIII.
Table des matières Qui n'a entendu parler des fameuses prophéties sur l'élection des Papes, attribuées, à tort ou à raison, à saint Malachie, archevêque d'Irmargh, en Irlande, mort en 1148? On sait que d'après ces énigmes, qu'on est parfaitement libre d'apprécier à son gré, à Pie IX, désigné par Crux de cruce, la Croix de la croix, devait succéder Lumen in colo, lumière dans le ciel. Or les centuries dites de saint Malachie ont souvent été expliquées très-naturellement par le blason des Papes. Les armoiries de Léon XIII justifieraient littéralement la devise Lumen in colo. Voici, en effet, le blasonnement de ces armes:
D'azur, au pin de Sinople (à enquerre) posé sur une terrasse de même, adextré en chef d'une comète d'or et accosté en pointe de deux fleurs de lys du même, à la fasce arquée, brochant sur le tout.
La comète d'or brillant dans l'azur du ciel expliquerait que ce Pape ait été désigné par ces mots: lumière dans le ciel; mais nous préférons attribuer à la devise un sens plus étendu, et voir dans le grand Pontife qui nous a été donné l'arc-en-ciel qui se montre après l'orage.
LE TRÉSOR QUE PIE IX A LÉGUÉ A SON SUCCESSEUR.
Table des matières Un journal a inventé dernièrement, au profit des journaux qui lui ressemblent, que Pie IX, enrichi par le Denier de Saint-Pierre, a laissé trois ou quatre millions de rente à son successeur et une somme de cent cinquante mille francs à sa famille. C'est une imagination qui n'a aucun fondement. Pie IX n'avait rien: il n'a rien laissé ni à son successeur ni à ses héritiers. Ses livres, peu rares, et qui consistaient en hommages d'auteur, assez proprement reliés, ont été donnés à des établissements publics ou appartenant à la Papauté. Le Denier de Saint-Pierre était pour saint Pierre, en argent ou en nature: il l'a donné à mesure qu'il le recevait. Tout le monde sait que le Piémont a ôté à saint Pierre les rentes et le sol, et tout ce qu'il pouvait lui prendre, mais lui a laissé considérablement de pauvres à nourrir. Par les aumônes des catholiques, Pie IX, qui n'a rien voulu accepter de ses spoliateurs impies, - Pecunia tua lecum sit in perdilionem, - a soutenu lui-même, avec l'argent multiplié des fidèles, les services et les serviteurs qui tombèrent à sa charge: des églises, des prêtres, des missions, des employés nécessaires et d'autres dont il n'avait plus besoin, mais que les rapines piémontaises réduisaient à la nécessité. Quelque abondantes qu'aient été les ressources du Denier de Saint-Pierre, elles n'auraient pu suffire, sans quelques-uns des prodiges que Dieu a coutume de faire en ces rencontres, pour assister si longtemps la générosité de ses ministres. Ainsi l'Église, si souvent dépouillée, a pu de tout temps suffire à ces nécessités perpétuellement renaissantes et pressantes. Le christianisme, disait Mgr Gerbet, est une grande aumône faite à une grande misère. Depuis le Golgotha cela n'a pas cessé d'être vrai dans tous les sens. Sans la charité de Dieu, l'humanité n'a pas ce qu'il faut pour vivre. Pie IX a été l'un des hommes qui l'ont le mieux su et qui ont le plus hardiment compté sur la charité. Il a donné ce qu'il avait, n'a rien ramassé pour lui-même, et n'a rien légué à son successeur. Des trésors, lui! Il savait trop mépriser ce que la rouille dévore et ce que mange le ver. Il a laissé à son successeur le trésor vide de saint Pierre où il avait tant puisé, sachant bien que saint Pierre le remplira toujours.
SOUVENIRS DU CARDINAL DONNET.
Table des matières J'ai vu, dit-il, longtemps et de très-près le cardinal Pecci. Pendant toute la durée du concile du Vatican il fut mon commensal. Toutes les fois que je suis allé à Rome, j'ai eu avec ce vénérable prince de l'Église des rapports fréquents, et je puis bien vous dire que les liens de la plus...