Schweitzer Fachinformationen
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Parfois l'homme tente de sourire, rire est encore exclu mais sourire pourquoi pas, les jeux de mots ont toujours eu ce pouvoir sur lui, le détendre, embellir ses journées même si c'est un autre qui lui inspire, même si c'est le pire des autres.
Un rictus au coin des lèvres, voilà ses bras qui s'agitent et tout son corps réclame la verticalité, se sentir vivant, se lever, aller à sa table et se remettre à écrire, surtout ne pas laisser gagner les voix mortifères.
Une femme assiste à ces soubresauts. Elle tente de le rassurer, passe un linge froid sur son front, lui donne à boire, se lève, se rassoit, reste assise, en silence et presque simultanément, lisse un pli du drap, époussette un bout de couverture, tamponne l'oreille, écarte une poussière.
Des gestes simples, des intentions pures.
Selon l'heure et la température extérieure, elle ouvre la fenêtre, cherche le chant d'un oiseau, un souffle d'air, un bruit quelconque à opposer à l'immobilité de la pièce et à l'impuissance de sa présence.
Le temps échappe au vouloir, elle sait bien qu'il se joue de sa bonne volonté, être sans faire, c'est tout ce qu'elle peut, tout ce qu'elle a toujours pu. Entre ces quatre murs et quel que soit l'homme qu'on y a enfermé, être là et attendre. Que le présent reprenne le dessus et qu'un nouveau jour se lève. Cet homme-là, elle l'espère, saura y arriver, il ne peut en être autrement.
Tu ne dis plus rien et même tu voudrais sourire, c'est encourageant et flippant aussi.
Tant de place d'un coup, pour moi tout seul, aussi longtemps, sans que tu veuilles me bâillonner, me contraindre, me remplacer, j'en aurais le vertige.
C'est une chose de réclamer, c'en est une autre de recevoir. Toutes ces années à espérer que tu m'écoutes, et voilà que les mots pourraient me manquer, presque je suis bluffé par ton silence, devant tant d'abandon. Tu ne vas pas mourir maintenant quand même ? Sans avoir livré bataille une dernière fois, sans un dernier round.
Tant que je devais me battre contre toi, mes mots se bousculaient pour sortir, maintenant que je sens la porte presque ouverte, c'est à peine si j'ose la pousser.
Essaies-tu de me donner une leçon ? De me prouver que raconter n'est pas si facile ? Qu'entre se frayer un passage et sauter dans le vide, il y a un cap qu'on appelle le talent, le courage, la foi, la folie ?
Qu'il me faut trouver ma langue, mon rythme, ma singularité sans m'accrocher à toi, presque en dehors de toi. Je te comprends, tu me mets à l'épreuve, c'est mesquin mais de bonne guerre mais tu sais je te connais bien Matt, alors je vais attendre. Que tu reprennes des forces, que tu veuilles te battre encore.
Et bientôt c'est toi qui me raconteras et enfin, c'est toi qui nous réhabiliteras.
Créer pour faire vivre, encore et encore, de toutes les manières possibles ce qui existe déjà mais qui, dans l'instant, fait défaut, impressionne, insurge, oblige à prendre de la hauteur.
À quoi bon exiger la création si le cour n'y est pas, s'il ne bondit pas en dehors pour respirer un air neuf, si nos cinq sens restent en berne au lieu de déployer leur haut potentiel, si notre vue n'en est pas transcendée, notre odorat exalté, notre goût émerveillé, notre ouïe subjuguée et notre toucher littéralement caressé.
Si à l'issue de tout cela, notre 6ème sens ne s'éveille pas pour interpeller le 7ème, l'intuition au service du surmoi, passerelle entre notre petite conscience et l'univers tout entier, être percuté jusqu'à toucher enfin des hauteurs insoupçonnées. Je pourrais sans rougir citer des dizaines d'exemples de livres, films, musiques, peintures, spectacles qui ont tous, à un moment de ma vie, changé ma vision du monde, mes paradigmes intérieurs et redéfini mon avenir, mieux que des doudous adultes de substitution, ces objets de création ont su à des instants T calmer mes angoisses, apaiser mes craintes, éveiller ma curiosité, orienter ma guérison, dépasser mes a priori.
De tout temps, il est utile de rappeler que notre besoin de consolation est exponentiel et pourtant, pour apprendre à danser sous la pluie, encore fautil avoir le droit de danser. Nous, les artistes, ne sommes que d'infimes et modestes suppléants.
Si nous dévoilons un itinéraire, une issue, si nous ouvrons une porte, si nous ajourons un mur, c'est bien aux autres de faire le reste du chemin.
Parlons-en du chemin, Matt, parlons-en, de celui que tu as pris jusqu'à ta majorité, de cette petite frappe que tu es devenu, des paris fous, des coups foireux, des vols, des dégradations, des risques inconsidérés, ce canevas de petits délits qui a vu gonfler ton casier judiciaire comme on gave une oie avant de la sacrifier en se délectant par avance. Ces amis de galère, saturés de désespérance, prêts à bouffer le monde avec lesquels tu t'es lié. Ton grand copain Basile en premier. Aussi perdu que toi. Dont on avait retiré la garde à son oncle, de justesse, un soir où celui-ci avait failli l'immoler avec son chalumeau de cuisine.
Celui à même pas vingt balles, qui servait à allumer son barbecue et parfois ses cigarettes, quand avec les copains et un litre de whisky plus loin, il lui prenait l'envie de jouer avec le feu.
Le surnom de tête brulée que vous vous étiez donné parce qu'alors, de un an ton ainé, tout ce que faisait ou disait Basile te paraissait de la plus grande intelligence et importance.
Et que t'y associer, c'était la certitude de ne plus être seul, jamais.
Votre duo, à la démesure de vos ailes brisées, qui ne savaient plus voler, qui étaient tombées à terre, que vous deviez forcer à relever en prenant toujours plus de risques.
Toutes ces fois où vous escaladiez, à mains nues, sans harnais, de nuit, le pont transbordeur du Martrou.
Quatre pylônes métalliques hauts de 66,25 mètres, un tablier métallique de 175,50 mètres de long, culminant à 50 mètres audessus des plus hautes eaux de la Charente et ce que vous nommiez en rigolant le saut de l'ange.
Toutes ces fois où vous vous laissiez choir en hurlant et en riant, étourdis, frigorifiés, bleuis.
Toutes ces fois où tes larmes se mêlaient à la vase, aux algues et aux anguilles, noyant l'absurdité flagrante de vivre une existence qui vous avait déjà dépossédé de tout.
Cet ultime plongeon dont Basile est remonté assommé, le ventre gonflé d'eau, en manque de respiration.
Ton impuissance à le sauver, ton cri brisé, impossible à extérioriser et le mois qui s'en est suivi, couché sous ton lit, replié, mutique.
Ta décision d'en finir ou d'en découdre, tu ne savais pas alors, tout se mélangeait dans ta tête, son histoire, la tienne, celle du monde. On était en 1968, le monde se déchirait plus ou moins comme toujours depuis des siècles mais dans cet instant, cela semblait te concerner.
Tu passais des heures relié au poste de télévision du seul bistrot qui en possédait un à l'époque. « Le Barrage » à Saint Savinien. Le patron était un type bien, il savait ton histoire, elle avait couru les rues, avant même que tu aies fini de cracher une dernière fois sur la tombe de ton frère d'armes, une glaire aussi grosse que le poing que tu rêvais de balancer à la face du monde, aussi, ne te demandait-il rien, le patron, pas même de payer ton café que tu faisais durer des heures Et tu absorbais tout, sans discernement mais avec avidité : les chars soviétiques à Prague, l'assassinat de Robert Kennedy, l'offensive du Têt, la fin de la révolution culturelle en Chine, Mai 68, la mort de Martin Luther King.
Tous ces autres qui prenaient corps et âme et faits et gestes et cris dans le prolongement du seul tien dont le monde entier se contrefichait et qui, pourtant, étaient à deux doigts de te faire imploser.
Il ne reste parfois qu'une couleur en place et lieu du chaos, une énorme trouée bleu turquoise, vive, insolente, boursouflée d'eau, gisante à la surface et rien d'autre, une dernière vision, éclatante au soleil comme un reflet du ciel, quand le corps de Basile a refait...
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