Schweitzer Fachinformationen
Wenn es um professionelles Wissen geht, ist Schweitzer Fachinformationen wegweisend. Kunden aus Recht und Beratung sowie Unternehmen, öffentliche Verwaltungen und Bibliotheken erhalten komplette Lösungen zum Beschaffen, Verwalten und Nutzen von digitalen und gedruckten Medien.
Ce n'étaient qu'amours, amants, amantes, dames persécutées s'évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu'on tue à tous les relais, chevaux qu'on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cour, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l'est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes.
(Flaubert, Madame Bovary, extrait du manuscrit)
Pour écrire de façon vivante, intéressante et substantielle, il faut deux choses apparemment contradictoires : une amnésie et une mémoire. Une amnésie vis-à-vis du langage abstrait, un oubli du langage ordinaire, informatif et communicationnel. Et une mémoire, qui s'exerce sur deux plans. C'est d'abord un travail intellectuel de rappel des points de départ, de ce dont on s'est éloigné, s'occupant de communiquer au moins un peu ce qu'on veut transmettre. C'est ensuite une curiosité à l'affût de tout l'héritage culturel dont nous sommes formés, dont la mention plus ou moins discrète peut enrichir considérablement l'expression. Ce sont ces deux pôles antagonistes et complémentaires, l'amnésie et la mémoire, qu'il s'agit d'évoquer ici, à partir d'exemples tirés de maîtres du style. Car de leur examen on apprend beaucoup. Avant d'écrire, il faut lire. Avant de se jeter sur la feuille blanche, il faut méditer longuement les exemples des maîtres qui nous précèdent en écriture.
Tel que nous le parlons selon les normes de l'éducation et de l'école, notre monde est mis en ordre en vertu de ce que nous appelons la logique. Elle renvoie à une façon rationnelle de percevoir, ou d'organiser nos perceptions, qui n'est pas en nous première, mais seconde car elle est apprise. C'est elle qu'il s'agit donc d'oublier si on veut écrire de façon vraiment expressive et vivante, c'est sur elle que doit porter l'amnésie.
Au bénéfice de quoi ? Du resurgissement en nous de la perception sensible, qui était par exemple celle que nous avions étant enfant, car nous portons encore en nous l'enfant que nous avons été. Celle aussi que nous pouvons avoir quand nous parlons, non pas selon les codes de la doxa sociale (l'opinion), mais de façon spontanée, naturelle.
*
Il faut ici prévenir un malentendu très fréquent. On croit ordinairement que le langage expressif est d'abord le langage logique, simplement agrémenté ou enjolivé en un second temps d'ornements que nous pouvons lui ajouter, par exemple les fameuses figures de style. Elles impressionnent souvent, comme on dit, parce qu'elles ont des noms bien savants, et on fait devant elles comme un complexe d'infériorité. Ainsi on se jette sur des manuels censés nous les apprendre, comme si l'écriture était une question de savoir-faire, de technique, comme s'il y avait des recettes d'écriture comme de cuisine. Mais quand on approche l'écriture (ou la création en général), c'est de la façon de voir le monde qu'il doit être question, de la nature de cette vision : est-elle sensible, ou au contraire abstraite, conceptuelle ? Les procédés eux-mêmes sont subordonnés à cette question. « Le style, dit Proust, est une question non de technique, mais de vision ». Il faut poser ici la bonne question. Dans quelle vision de la vie se situe-t-on quand on veut écrire ?
Mais nous avons tant d'inhibitions ou de complexes devant notre feuille blanche, que nous tendons au contraire à 1/ élever, comme on dit, notre style dans un registre plus soutenu et noble (pensons-nous) que celui de la conversation courante (surtout, comme on nous l'a dit, il ne faut pas écrire comme on parle), et 2/ ensuite, rajouter çà et là quelques figures pour enrichir, faire plus joli (quelques métaphores, par exemple).
En quoi nous nous trompons complètement. Ce langage que nous pensons élevé ou noble n'est en réalité qu'un langage abstrait, notionnel et mort. Souvent il ne fait qu'euphémiser et anesthésier. Et nous avons le tort de prendre pour un bien nouveau à acquérir (les figures, tours ou tropes) ce que constamment nous pratiquons quand nous parlons sans contrôle et sans ambition d'écrire.
En réalité, les figures de style, bien loin d'être des ornements du discours logique, ne sont que la perception sensible saisie à sa racine, immédiatement (sans médiation ou analyse intellectuelle). La preuve, s'il en fallait une, est que nous faisons constamment de telles figures dans notre langage parlé : simplement nous ne connaissons pas leurs noms. Il se fait plus de figures dans une conversation de rue que dans un livre de « haute » écriture.
Nous voyons la voile, et non le bateau ; le toit, et non la maison. Les synecdoques particularisantes, ici, ne sont pas là pour orner un langage ordinaire et en fait abstrait, qui serait premier. Elles sont en réalité ce que nous percevons immédiatement. Et la « rectification » qu'on nous dit de faire (comprendre bateau, maison) consiste à remplacer du vu ou du perçu par du su - et à tuer la vision sensible. La logique ainsi devient un massacre d'impressions, et le langage s'assèche.
Comme Monsieur Jourdain de la prose, nous faisons donc des figures sans le savoir. La conversation quotidienne est, pour le vocabulaire, pleine de synecdoques, de métonymies, de métaphores (« tirelire », ou « cafetière », pour « tête », qui lui-même originellement est métaphorique : « coquille dure »). Et pour la syntaxe, de prétendues incorrections comme les énallages, les zeugmes, ou les hyperbates, etc. Ces mots n'ont rien qui doive effrayer. Ce ne sont pas des noms de maladies, ou de monstres préhistoriques, que sais-je ? Ils désignent des façons de parler que nous pratiquons à chaque instant, dans la vie de tous les jours.
Bref, l'amnésie de l'écriture ne concerne pas du tout le langage parlé, qui est au contraire éminemment sensible, mais le langage idiomatique, standardisé, basique, que l'école et les médias nous inculquent, et qui tourne le dos à la vraie sensibilité.
Je donnerai plus loin quelques exemples concrets de figures sensibles. Je les ai analysées en détail, à côté des autres procédés de style, dans mon ouvrage consacré à l'étude du style La stylistique expliquée - La littérature et ses enjeux (BoD, 2017). Pour en prendre une connaissance complète, on pourra se reporter à ce livre, qui n'est pas un catalogue formel : j'y ai toujours souligné, comme j'en ai dit plus haut la nécessité, à quelle vision, à quel type de perception du monde les figures renvoient.
J'ai défendu aussi, dans trois livres illustrés de mes photos et aussi publiés chez BoD, Petite initiation à l'Art (2021), Quand parlent les images (2022), et Le Style par l'image (2018), l'idée que chaque figure a son exact équivalent visuel, donc que toutes les figures ne sont pas des ornements intrinsèques et autonomes surajoutés au discours, mais des catégories générales de la perception, concernant aussi bien le monde du visible que celui du verbal. Tout cela vise moins le prétendu « art d'écrire », au sens de seules recettes techniques, que la structure même de notre esprit, ou encore, comme dit Baudelaire, l'« organisation générale de l'être spirituel »...
Il faut comprendre d'abord qu'écrire ou redonner vie au langage n'est pas s'adresser à l'intelligence abstraite du lecteur. Roger Caillois raconte l'anecdote suivante. Un mendiant aveugle avait mis dans la rue devant lui un écriteau : « Aveugle de naissance », et personne ne lui donnait rien. Un jour, il s'avisa d'inscrire au contraire : « Le printemps va venir, je ne verrai pas. » Et tout le monde lui fit l'aumône. Là est toute la définition de l'écriture sensible, et aussi...
Dateiformat: ePUBKopierschutz: Wasserzeichen-DRM (Digital Rights Management)
Systemvoraussetzungen:
Das Dateiformat ePUB ist sehr gut für Romane und Sachbücher geeignet - also für „fließenden” Text ohne komplexes Layout. Bei E-Readern oder Smartphones passt sich der Zeilen- und Seitenumbruch automatisch den kleinen Displays an. Mit Wasserzeichen-DRM wird hier ein „weicher” Kopierschutz verwendet. Daher ist technisch zwar alles möglich – sogar eine unzulässige Weitergabe. Aber an sichtbaren und unsichtbaren Stellen wird der Käufer des E-Books als Wasserzeichen hinterlegt, sodass im Falle eines Missbrauchs die Spur zurückverfolgt werden kann.
Weitere Informationen finden Sie in unserer E-Book Hilfe.