FAÏENCES FRANÇAISES
Table des matières RÉGION DU NORD
Table des matières Faïences de Rouen. - Le type des faïences du Nord se trouve caractérisé par les productions de la fabrication rouennaise, dont l'influence se fit sentir dans toute la contrée où elle fit souche.
La pureté et le bon goût du style Louis XIV et Louis XV, alliés à la sobriété des formes, se retrouvent dans toutes ses productions. A part les premiers débuts de la fabrication, qui se ressentent de la présence d'ouvriers nivernais, ces faïences sont faciles à distinguer des autres: 1° par leurs formes; 2° par leur décor; 3° par la pureté et l'éclat de leur émail et de leurs couleurs.
La forme des assiettes et des plats (fig. 6, B et C), de même que les figures 22, 24, 28 à 30, et 23 à 27, donnent une idée suffisante de ces formes et de leur décor pour qu'il soit superflu de les décrire.
Le style rayonnant, caractérisant la seconde époque des faïences de Rouen, date de 1710; il s'est continué d'une manière suivie jusqu'en 1760.
Sur un émail d'une blancheur irréprochable se détache en bleu pur et profond de fines et ravissantes dentelles (fig. 23, 24 et 27), qui firent la vogue si méritée de ce centre céramique de premier ordre.
Fondé, vers 1644, par Nicolas Poirel, sieur de Grandval, celui-ci céda l'exploitation et son privilège de cinquante années à Edme Poterat, de Saint-Étienne, qui, s'entourant d'ouvriers nivernais, commença la vogue de cette usine dans laquelle Louis Poterat devait s'illustrer par son décor style rayonnant. Si les premiers débuts rappellent le décor nivernais, Louis Poterat, secouant le joug imitateur, inculqua à la fabrication rouennaise un type tout particulier qui lui fut propre, en inventant le décor dentelle monochrome (fig. 23 et 24), qu'il rehaussa également de rouge, et auquel il ajouta, par la suite, comme couleurs polychromes, le jaune, le rouge et le vert (fig. 26 et 27).
Fig. 25.
Fig. 26.
Les pièces dites en jaune ocre (fig. 29), marquent l'apogée de la fabrication.
Fig. 27.
La troisième époque, datant de 1728, se ressent du goût du moment; elle se révèle par l'emploi des décors chinois, dans lequel excella un artiste peintre du nom de Guillibaud. Ses bordures quadrillées, ses pagodes et ses personnages chinois (fig. 28), ainsi que ses bleus lapis et ses fonds laqués, offrant une réminiscence des faïences persanes, en font foi, de même que les pièces à personnages, représentant des fêtes galantes ou champêtres.
Fig. 28.
Le troisième type, qui déjà fait pressentir la décadence des fabriques rouennaises, date de 1755; il se trouve caractérisé par toute la série des faïences dites à la corne (fig. 31); celles représentant des carquois et trophées (fig. 30), les fleurs détachées, qui eurent pour plus habiles interprètes les Dieul, les Gardin, les Mouchard, les Lecerf, etc.
Enfin, comme précurseur de la porcelaine, citons la fabrique de Levavasseur dont les produits, s'en rapprochant, rentrent dans les imitations du décor de Strasbourg et de Marseille (fig. 32).
Au nombre des céramistes et des peintres qui illustrèrent l'école rouennaise, il nous faut ajouter: les Le Brument et Louis Leclerc, en 1699; Claude Borne, en 1736; Caussy père et fils, en 1707; Sturgeon et Dumont, en 1710; Cauchois, en 1712; Nicolas Fouquet, en 1720; Lecocq de Villeray, en 1722; le peintre Chapelle, en 1726; Macarel et Leclerc, en 1726, etc., et une foule d'autres noms qu'il serait trop long d'énumérer ici .
Fig. 29.
Le caractère tout particulier des faïences de Rouen consiste dans leur cuisson au grand feu, dont la couleur, par la vitrification, se trouve faire corps avec l'émail.
Fig. 30.
Faïences de Sinceny. - Cette usine fut fondée vers 1737, par le sieur Jean-Baptiste Fayard, gouverneur de Chauny, écuyer, seigneur de Sinceny, qui, sur sa demande, obtint le privilège d'ériger en son château de Sinceny une fabrique de faïence. Cette fabrique devint en peu de temps non seulement l'émule, mais encore la concurrente, la rivale des usines rouennaises, dont elle employa plusieurs des artistes en renom.
Fig. 31.
Sa direction, confiée primitivement à Pierre Pellevé, de 1734 à 1737, passa ensuite entre les mains de Maleriat, de 1737 à 1779, qui y continua l'imitation des produits rouennais, tant en décor dentelles et ses dérivés que dans le genre rocaille, dit au carquois et à la corne (fig. 30, 31 et 33).
En 1775, Malériat, s'associant à Chambon, inaugurait le style franco-chinois (fig. 34), qui fut propre à cette fabrique jusqu'en 1785.
A partir de cette date, jusqu'en 1795, les deux associés se consacrèrent spécialement à l'imitation des produits de Strasbourg et de Marseille qui se continuèrent tant sous la direction de Chambon et Théis que sous celle de Priel; enfin, en 1795, F. Fouquet restait seul directeur.
Fig. 32.
De 1770 à 1795, la cuisson au grand feu fut abandonnée pour celle au petit feu ou feu de moufle; on pasticha alors les produits de la Lorraine et du Midi, marquant la décadence de cette fabrique.
Vron, dans la Somme, posséda également une fabrique de faïence dont le décor tout particulier, se rapprochant de celui de Desvres, présente un caractère d'originalité tout personnel. Ses paysages animés, ses oiseaux (fig. 35), de même que ses scènes militaires empruntées à l'histoire de Napoléon Ier, copies naïves des images de l'époque, méritent d'être cités. Toute cette décoration, se détachant sur un fond d'émail verdâtre, recouvrant une terre ou biscuit des plus grossières, est entourée d'un tracé en violet manganèse rempli par des teintes plates, jaunes et vertes, rehaussées çà et là de quelques touches de rouge. Fondée vers 1790, cette modeste fabrique eut pour directeur un nommé Courpont, dont la veuve se remaria avec un nommé Verlingue dont elle eut un fils et une fille. Cette dernière épousa M. Delahodde, de Wimille (près Boulogne-sur-Mer), qui continua l'exploitation de cet établissement jusqu'à sa mort, époque où des embarras financiers forcèrent sa veuve à l'abandonner.
Saint-Omer. - Louis Saladin fut, par lettres patentes, datées du 9 janvier 1751, le premier directeur de l'usine de Saint-Omer. Sa fabrique, située faubourg du Haut-Pont, put jouir du privilège exclusif de la fabrication en cette ville, pendant vingt années consécutives, avec défense expresse, à qui que ce fût, de s'établir à trois lieues à la ronde. Il eut pour directeur un nommé Lesvesque, dessinateur habile qui ne tarda pas à la faire prospérer.
C'est ce même Jacques Adrien Lesvesque, que l'on retrouve, vers 1760, établi faïencier faubourg du Haut-Pont, sollicitant des encouragements pour continuer ses recherches sur le secret de faire des faïences façon Rouen résistant au feu. Leur émail est blanc en dedans et brun au dehors.
Fig. 33.
Vers 1775, un nommé Maleriat fondait à Saint-Omer une faïencerie dont le décor chinois se rapprochait beaucoup de celui de Sinceny, avec cette seule différence que ses sujets étaient toujours peints en camaïeu violet ou en vert au lieu d'être de couleur polychrome (fig. 36). Quant aux formes, elles se rapprochent de celles de Rouen de la quatrième époque.
Fig. 34.
Saint-Amand. - Nous ne pouvons quitter la région du Nord sans parler des faïences de Saint-Amand et de Lille, dont on rencontre fréquemment de nombreux spécimens dans une foule de collections.
Fondée dans la première moitié du XVIIIe siècle, par Pierre-Joseph Fauquez, la faïencerie de Saint-Amand passait, à sa mort, entre les mains de son fils, Pierre-François-Joseph, qui la dirigea jusqu'en 1748. Il la cédait à son tour à son fils Jean-Baptiste-Joseph, qui épousait, quelques années plus tard, la sour du célèbre porcelainier Lamoninary.
Fig. 35.
En concurrence avec ce dernier se trouvait également Nicolas Doréz, dont une pièce porte le nom et la date du 5 novembre 1751.
Parmi les produits sortis de ces deux usines, ayant imité le décor du Rouen, celui de Sinceny et les roses vermeilles du Strasbourg, il faut citer, comme décor appartenant spécialement à cette fabrique, les pièces à fonds couleur empois, que rehaussent des bandes de dentelles blanches en surcharge (fig. 37); puis, les pièces en fond jaune serin, également rehaussées de blanc; enfin, les faïences à décor porcelaine imitant le genre Saxe (fig. 38), les porcelaines dites à la Reine et les paysages peints par Alexandre Gaudry, élève de Louis Watteau, de Lille.
Lille. - Les caractères particuliers de la faïence de Lille se rapprochent trop de ceux des faïences de Rouen pour que nous en parlions ici; ils ne diffèrent que dans l'excessive finesse et la légèreté de la pâte, par la blancheur de leur émail, par le bleu légèrement ardoisé, tout spécial à cette fabrique. La couleur rouge y fut rarement employée et lorsqu'on en fit usage, la cuisson la rendait d'un jaune rouille ne ressemblant en aucune façon à celui si vif et si éclatant du Rouen. Dans ses imitations de Delft, la transparence de l'émail...