I.-ÉDITIONS DES PIÈCES DE THÉATRE DE CORNEILLE
PUBLIÉES PAR LUI-MÊME.
Table des matières I
1. Melite, || ov || les favsses || Lettres. || Piece Comique. || A Paris, || Chez François Targa, au premier || pillier de la grande Salle du Palais, deuant || les Consultations, au Soleil d'or. || M. DC. XXXIII [1633]. || Avec Priuilege du Roy. In-4 de 6 ff., 150 pp. et 1 f. blanc.
Les feuillets prélim. comprennent: 1 f. de titre; 3 ff. pour la dédicace à M. de Liancour, l'avis Au Lecteur et l'Argument; 2 ff. pour le Privilége et les noms des Acteurs.
Le privilége, daté de Saint-Germain en Laye, le dernier jour de janvier 1633, porte: «Nostre bien amé François Targa, Marchand Libraire de nostre bonne ville de Paris, nous a fait remontrer qu'il a nouvellement recouvré un Livre intitulé Melite, ou les fausses Lettres, Piece comique, faicte par Me Pierre Corneille, Advocat en nostre Cour de Parlement de Rouen, qu'il desireroit faire imprimer et mettre en vente, etc.» Le privilége lui est accordé pour dix ans consécutifs, «à compter du jour et datte qu'il sera achevé d'imprimer». On lit à la fin: Acheué d'imprimer pour la premiere fois, le douziéme iour de Feburier mil six cens trente-trois.
Tous les biographes de Corneille ont raconté comment il composa Mélite, en souvenir d'une aventure galante dont il avait été le héros. Une mention insérée dans un manuscrit de la Bibliothèque de Caen, le Moréri des Normands par Joseph-André Guiot de Rouen, nous a fait connaître le nom véritable de Mélite. C'était une demoiselle Millet, qui demeurait, ainsi que nous l'apprend M. Gaillard, rue aux Juifs, no 15. L'abbé Granet, qui avait fait de longues recherches sur Corneille, désigne, il est vrai, l'héroïne de Mélite sous le nom de Mme Dupont, et l'on a supposé, pour concilier les deux versions, que la jeune fille, qui avait d'abord montré une préférence pour Corneille, avait épousé, par la suite, un autre que lui. Les documents retrouvés par M. Gosselin ne permettent pas de s'arrêter à cette hypothèse. «Au moment du mariage de Pierre Corneille, la dame Dupont se trouvait veuve de Thomas Dupont, conseiller-correcteur à la Chambre des Comptes de Rouen, et son nom était Marie Courant. Cela résulte d'un arrêt du Parlement, du 11 août 1639, qui statuait sur une difficulté née antérieurement entre les frères Thomas, Jacques et Guillaume Dupont, et sur laquelle un premier arrêt était déjà intervenu le 26 juin 1638. A cette date, Thomas Dupont vivait encore, et, circonstance assez curieuse, il avait choisi pour son procureur François Corneille, oncle de l'ami de sa femme et le sien aussi sans doute.» (Particularités de la vie judiciaire de Corneille, par E. Gosselin; Rouen, 1865, in-8, p. 15.) Si l'on admet l'authenticité du récit relatif à Mélite, il faut donc tout au moins distinguer Mlle Millet de Mme Dupont.
Pour ne pas nous éloigner de l'ordre suivi par les éditeurs de Corneille et par Corneille lui-même, nous faisons figurer Mélite en tête de ses ouvres, bien qu'elle n'ait été imprimée qu'après Clitandre. Cette première pièce fut représentée par la troupe de Mondory, la seule qu'il y eût alors à Paris. L'époque de la représentation n'a pu être jusqu'ici exactement déterminée. L'opinion la plus probable la place à la fin de l'année 1629 ou au commencement de l'année 1630. Le succès confirma la vocation dramatique de Corneille.
Quelques exemplaires de l'édition originale présentent des corrections qui indiquent de légers remaniements pendant le tirage. La faute d'impression 9? (3 à l'envers) au lieu de 63, qui se remarque dans la pagination des premiers exemplaires, a disparu des seconds; on a, de plus, introduit en manchette, p. 101, après le vers:
Si proches du logis, il vaut mieux l'y porter,
l'indication d'un jeu de scène: Cliton et la Nourrice emportent Mélite pasmée en son logis, ou Cloris les suit appuyée sur Lisis. Par contre, on a laissé subsister les fautes Episrte pour Epistre, au titre courant de la p. v, et 79 pour 97 dans la pagination. Les deux tirages se trouvent à la Bibliothèque nationale: le premier y est porté Y. 5801, le second Y. 5801 + A.
Il existe, sous la date de 1633, une édition de Mélite dans le format in-8, que M. Brunet et M. Frère ont rangée, sans l'avoir vue, parmi les éditions originales de Corneille. Nous avons eu l'occasion de l'examiner, et nous avons reconnu que c'est une simple contrefaçon. On en trouvera la description ci-après, en tête de notre chapitre VII. C'est probablement cette édition qui est citée au Catalogue Pompadour (no 890), avec la mention: Paris, Targa, 1633, in-12.
II
2. Clitandre, || ov || l'Innocence || delivrée || Tragi-Comedie.|| Dédiée à Monseigneur || le Duc de Longueuille. || A Paris, || Chez François Targa, au premier pilier || de la grand'Salle du Palais, au Soleil d'or. || M. DC. XXXII [1632]. || Auec Priuilege du Roy.-Meslanges || poetiqves|| Du mesme. || A Paris, || Chez François Targa, au premier || pilier de la grand'Salle du Palais, || au Soleil d'or. || M. DC. XXXII [1632]. || Auec Priuilege du Roy. In-8 de 12 ff. et 159 pp.
Collation des feuillets prélim.: 1 f. de titre; 5 pp. pour la dédicace; 6 pp. pour la Préface; 9 pp. pour l'Argument; 1 f. pour l'Extrait du Privilége et les Acteurs.
Clitandre occupe les 118 pp. suivantes; il y a ensuite un feuillet blanc, puis vient le second titre. Les Meslanges poëtiques continuent la pagination et même les signatures de la pièce (le cahier H compte 4 ff. de Clitandre et 4 ff. des Meslanges); ils ne peuvent donc en être détachés.
Le privilége, donné à Paris le 8 mars 1632, est accordé à François Targa, pour six ans. L'achevé d'imprimer est du 20 mars 1632.
Corneille paraît ici pour la première fois devant le public. Il avait déjà fait représenter Mélite, qui lui avait valu une certaine réputation; mais il aima mieux livrer d'abord à l'impression son Clitandre, pour lequel il semble avoir eu une affection particulière. Il s'était efforcé d'en faire une pièce plus régulière que sa Mélite, et dont le noud, l'intrigue, tous les incidents et la conclusion pussent tenir dans un espace de vingt-quatre heures. Il voulut aussi l'écrire «dans un style plus élevé», ce qui ne l'empêcha pas de se permettre une de ces licences qui ne seraient guère de mise aujourd'hui sur la dernière de nos scènes comiques. Calliste, fiancée de Rosidor, vient trouver celui-ci dans son lit; «il est vrai, dit Fontenelle, qu'ils doivent bientôt être mariés.»
Lorsque Corneille eut acquis l'habitude du théâtre, il reconnut que Clitandre était peu digne de lui; il en fit si bonne justice dans l'Examen qu'il y ajouta, qu'on eût dit qu'il se reprochait son ancienne prédilection.
Clitandre dut être joué en 1631. En en plaçant la représentation en 1632, les frères Parfaict nous semblent n'avoir pas pris garde à la date du privilége et de l'achevé d'imprimer. Il est difficile d'admettre que si, par exemple, la pièce avait été donnée au mois de janvier, le privilége, dont l'obtention demandait certainement d'assez longues démarches, eût pu être daté des premiers jours de mars. Corneille, d'ailleurs, n'était pas encore assez connu pour que les libraires missent une grande diligence à l'imprimer. Ce qui le prouve bien, c'est que Targa crut nécessaire de grossir quelque peu le volume, avant de le lancer dans le public, circonstance qui vint probablement encore retarder l'impression. En effet, les Meslanges sont précédés de l'avis suivant: «Au Lecteur. Quelques-unes de ces pieces te desplairont: sçache aussi que je ne les justifie pas toutes, et que je ne les donne qu'à l'importunité du Libraire pour grossir son Livre. Je ne croy pas cette Tragi-Comedie si mauvaise, que je me tienne obligé de te recompenser par trois ou quatre bons Sonnets.»
Les pièces contenues dans le recueil sont:
A monsieur D. L. T.
Enfin eschappé du danger
Où mon sort me voulut plonger...
Ode sur un prompt Amour.
O Dieux! qu'elle sçait bien surprendre...
A Monseigneur le Cardinal de Richelieu. Sonnet.
Puisqu'un d'Amboise et vous d'un succez admirable...
Sonnet pour M. D. V. envoyant un Galand à M. L. D. L.
Au point où me réduit la distance des lieux...
Madrigal pour un Masque donnant une boëte de Cerises confites à une Damoiselle.
Allez voir ce jeune Soleil....
Epitaphe de Didon. Traduit du Latin d'Ausone.
Miserable Didon, pauvre amante seduite..
Mascarade des Enfants gastez.
L'Officier. Une ambition desreglée...
Récit pour le Ballet du Chasteau de Bissestre.
Toy dont la course journaliere...
Pour monsieur L. C. D. F. representant un diable au mesme Ballet. Epigramme.
Quand je voy, ma Phillis, ta beauté sans...