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Les journées qui suivirent le 7 octobre 1914 compteront parmi les plus tragiques de l'histoire de Belgique. L'évacuation d'Anvers avait commencé dans la nuit. Silencieusement et en bon ordre, l'armée avait franchi l'Escaut sur le pont de bateaux de Sainte-Anne, et cheminait, par le Nord de la Flandre, vers la côte. Le Gouvernement était parti pour Ostende. Le Roi marchait avec ses troupes, cantonnant dans les villages au milieu d'elles. A l'arrière grondait, en un fracas ininterrompu, le bombardement de la forteresse. Au Sud, les canons allemands forçaient le passage de l'Escaut, et d'épais régimens montaient déjà vers Lokeren. Il fallait les contenir énergiquement pour ne pas être coupés ou rejetés en Hollande. On allait, entre leurs masses grandissantes et la frontière, hommes, chevaux, canons, matériel, équipages, serrés comme en un couloir, sans cesse menacés sur la gauche, ne disposant que d'une ligne de chemin de fer à voie unique. Le 9, à midi, le bombardement cessa. On sut qu'Anvers allait tomber. La 2e division d'armée restée dans la ville et les marins anglais arrivés le 5 pour renforcer la garnison avaient pris, à leur tour, à travers les périls croissant, le chemin de la retraite. Heureusement, la 7e division britannique et la brigade française des fusiliers marins inquiétaient-elles devant Gand le flanc de la 4e division d'Ersatz et de la 37e brigade de landwehr qui, continuant à s'avancer vers la frontière hollandaise, risquaient de barrer la route à nos dernières unités. Celles-ci passèrent sans grandes pertes. Le 9, au soir, le gros de l'armée se trouvait derrière le canal de Terneuzen, le 10 à l'Ouest du canal de Schipdonck. Nous aurions pu nous y retrancher, mais l'aile gauche française, poursuivant son mouvement vers le Nord, n'avait pas encore dépassé Arras : il y aurait eu entre elle et nous un espace vide par lequel auraient pu faire irruption vers Calais l'armée de siège d'Anvers et quatre corps allemands de nouvelle formation, - les XXIIe, XXIIIe, XXVIe et XXVIIe, - qui venaient d'arriver en Belgique.
Aussi bien, allions-nous encore lutter ? Le repos ne nous était-il pas nécessaire ? Depuis le début d'août notre armée se battait sans répit. Certains régimens n'avaient plus eu, depuis cinq semaines, un jour ou une nuit de repos. La défense héroïque de Liège, sitôt suivie d'une longue retraite sur Anvers, de glorieuses et utiles sorties, toutes terminées par un dur mouvement de recul vers la protection des forts, l'énervement d'un long siège, ce départ dramatique par le dernier chemin qui fût libre, la fatigue, la faim, le déchirement d'abandonner à chacun de ses pas un peu du sol natal, tout cela avait fait, semblait-il, des fantômes de nos soldats. Le mot de repos que l'on prononçait désolait ces intrépides, mais consolait ces épuisés. Encore deux jours de marche, puis le repos ! Déjà, à Anvers et à Melle, l'Angleterre et la France nous avaient ôté, par d'héroïques combats à nos côtés, la sensation désespérante d'être seuls. Elles allaient maintenant nous remplacer quelques semaines sur les derniers carrés de notre terre, - si on ne portait pas plus au Sud la ligne de la résistance.
Routes de Flandre dans l'automne rouge. Anvers tombée, c'est une digue qui se rompt : une marée d'hommes déferle de l'Est et du Nord. Déjà, l'une de nos deux provinces restées libres est submergée. Devant la houle qui descend, refluent vers Ostende, Dunkerque et Ypres les derniers défenseurs de l'Escaut. D'un pas élastique et alerte, les fusiliers marins gagnent le pays maritime. Leur bonne humeur enchante, comme un espoir nouveau, les placides bourgs qu'ils traversent. Longues colonnes couleur de terre, les régimens anglais, qui semblent avoir peu souffert, scandent de leur marche régulière le silence des soirs mouillés. Et d'Eecloo à Ostende, et d'Ostende à Nieuport, se poursuit, monotone et poignante, la procession des fantômes.
J'ai vu. J'ai vu le défilé qui recommençait toujours. J'ai vu les fantassins, raidis au passage des chefs et à la traversée des villages, tomber au bord des routes, aux courts instans d'arrêt, comme des masses sans pensée. « Nous sommes des morts vivans, » disaient-ils volontiers. J'ai vu les cyclistes têtus, vêtus de tuniques disparates et rapiécées, les joues noircies par la poussière, continuer de pédaler sur les gros pavés inégaux, comme jadis dans les patrouilles et les surprises. Et les canons déjà usés, patinés par la poudre et la gloire, et les caissons rebondissans, - et souvent vides, - et les cavaliers, galvanisés dans leur lassitude par les alertes d'arrière-garde. J'ai vu Ostende contractée se vider peu à peu, les foules encombrer les quais, les bateaux partir au milieu des pleurs et des cris. J'ai vu désarmer nos soldats territoriaux, les gardes civiques, qu'on licenciait brusquement, ne pouvant les employer hors frontières, et qui pleuraient en rendant leurs fusils. J'ai vu le Roi quitter la ville au petit jour, à cheval, par la route qui suit la plage, entouré de quelques officiers, et saluant, à droite et à gauche avec un sourire forcé, plus triste que les larmes. J'eus le sentiment que c'était fini.
Le lendemain, - 14 octobre, - à Nieuport, je le croisai sur la digue. Il causait, un peu penché, avec un aide de camp. Je lui vis le regard résolu, le visage calme, le geste décidé. Un Taube venait vers la mer, des profondeurs de la Flandre, suivant la ligne de l'Yser. La marée, remontant le petit chenal entre les estacades, semblait vouloir, impatiente, au-delà du petit port tranquille, envahir la plaine. Des fumées mystérieuses montaient à l'horizon des eaux. On sentait que quelque chose, depuis la veille, avait changé.
Les régimens pourtant continuaient leur retraite. Il n'y a pas de route dans les grandes dunes du rivage : ils longeaient le chemin des grèves. Sur les bancs de sable, entre les flaques, sac au dos, fusil à l'épaule, bien rangés, mais un peu lents, ils avançaient, bataillons par bataillons, précédés des majors à cheval, en un cortège incessant. Un nuage tomba au ras du sable. On les voyait l'un après l'autre sortir de la brume, rentrer dans la brume, comme une armée de légende. Au loin, le phare de Dunkerque, prématurément allumé dès le crépuscule à cause du brouillard, dévoilait régulièrement son feu tournant : Dunkerque, un peu de paille, la trêve, la fin provisoire de tant de misères, - le repos... C'est alors...
C'est alors que, d'un bout à l'autre de la colonne, un ordre courut. On s'arrêta. Devant La Panne, assis sur les sacs, un régiment de ligne attendait. Je causais avec des soldats. J'entendis un officier auprès de moi dire à ses hommes : « Mes enfans, ce n'est pas encore le repos, il y a encore un petit effort à donner sur l'Yser... Un petit effort, » répétait-il. Il avait pitié d'eux, tout en étant sûr d'eux ; il leur parlait avec cette douceur si émouvante chez ceux qui doivent être durs d'habitude, et qui ont souffert. - « Nous avons déjà fait tant de choses, mon commandant, dit un sergent, nous ne pouvons plus... » Mais tout aussitôt ils s'en retournèrent.
Seules continuèrent vers la France nos troupes dites de forteresse, miliciens des vieilles classes, employés, pendant la première partie de la campagne, à occuper à Anvers l'arrière et les intervalles des forts. Braves, mais n'ayant pas la cohésion de l'armée active, la retraite les avait désorientés et un peu débandés. On les vit pendant plusieurs jours, mêlés aux paysans en fuite, encombrer les chemins de la frontière, les routes de Calais, où on les rallia. Ils étaient quelques milliers que l'épreuve avait rendus lamentables, dont le ressort, semblait-il, avait été momentanément cassé. Ils se ressaisirent d'ailleurs sans tarder. Mais, pendant une semaine, ils donnèrent aux populations du Nord l'impression, - on ne voyait qu'eux, - que l'armée belge était au front remplacée par des troupes fraîches des nations alliées, - et que...
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