Schweitzer Fachinformationen
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- Pour toujours et à jamais ! s'exclame Loa quand Maman nous demande ce qu'elle doit graver sur sa poterie.
Avant, elle faisait ses pots à l'abri des regards. Juste pour Loa et moi. C'est depuis l'année dernière qu'elle les fait dans la grande cour devant la maison, comme on n'a plus de petit jardin. On la partage avec deux autres maisons, une qui est collée à la nôtre et l'autre qui est sur le côté. C'était un parking pour les jours de chômage avant la guerre, quand le maire s'exprimait sur la place du marché. Aujourd'hui, il n'y a que des gravats partout et Maman ne veut plus que l'on y joue avec ma petite sour.
Elle s'appelle Loa Torrland et elle a trois ans et demi. Il n'y a pas grand monde au village qui sait que Maman et Papa ont eu une fille, car ils n'ont pas le droit d'avoir deux enfants. Mais les voisins le savent, car c'est de bons copains de Maman. J'aime bien jouer avec leur fils, Charlie, et Loa est sa plus grande fan ! Parfois, quand Maman est de bonne humeur, elle nous laisse l'emmener avec nous aux cages à poules.
Charlie, il imagine toujours des histoires géniales pour nos jeux ! La dernière fois, on était des pirates de l'espace et on allait récupérer un trésor sur Egalonna, une planète à l'autre bout de la galaxie, peuplée d'Ours volants qui pouvaient lire dans nos cours. Charlie, c'est vraiment le meilleur pour inventer des histoires, mais il joue toujours le capitaine. Pourtant, je suis le plus grand, c'est moi qui ai neuf ans, presque dix ! Lui, il n'a même pas huit ans et demi. Mais, comme il invente les scénarios, c'est lui qui décide. Je joue son bras droit, Loa est notre mousse, et notre copine Loïs joue la pilote. Elle est super gentille, mais elle ne parle pas beaucoup. Enfin, ce n'est pas qu'elle ne parle pas du tout, mais, depuis la guerre, elle parle presque plus. Elle aussi, ses parents sont morts dans les bombardements.
Depuis la mort de notre père, Maman pleure beaucoup. C'était il y a quelques mois, on était en train de manger du bouillon de feuilles de carottes et de pissenlits quand une dame aux cheveux gris est venue à la maison lui dire que Papa ne rentrerait pas. On n'avait déjà plus de fenêtres dans la cuisine et plus d'électricité dans la maison, et maintenant, on n'avait plus notre Papa.
Les pleurs de Maman ont déchiré le silence de la nuit, comme l'avaient fait les bombes, et Loa s'est mise à pleurer elle aussi. Elle ne savait pas pourquoi, elle n'avait pas compris que Papa ne reviendrait jamais, mais les cris de désespoir de Maman nous ont brisé le cour.
Elle n'a pas fait de pots pendant plusieurs mois. Heureusement, madame Poiret, notre voisine mitoyenne, n'avait perdu personne pendant la guerre et elle pouvait s'occuper de nous quand Maman ne quittait pas le lit. C'était une gentille vieille dame qui aimait nous raconter sa vie dans l'ancien pays, avant la troisième Grande Guerre. Apparemment, le village était beaucoup plus grand et il y avait des fleurs de partout. Ce n'était pas facile tous les jours, mais c'était plus simple qu'aujourd'hui. Moi, depuis que je suis né, le village n'a jamais été fleuri. Il y avait parfois des bouquets déposés devant le monument du souvenir, mais ça fait plusieurs années que les fleurs sont interdites. Comme les buissons et les arbres.
L'État de LIMART a tout coupé quand j'avais cinq ans à cause de la maladie des cimes. C'est un truc qui se passe avec les plantes, toutes les plantes apparemment. Des poches poussent sous les feuilles et dans les pétales de fleurs, et quand elles explosent, il y a une poudre jaune qui s'envole dans les airs. Ça fait peur aux adultes, car ils n'arrivent pas à comprendre ce qui se passe et l'hôpital est rempli de personnes qui crient très fort. Je crois que la maladie des cimes, c'est vraiment quelque chose de très dangereux.
Maman ne nous en parle que très peu, elle dit que, si on avait dû être malade, on l'aurait déjà été depuis longtemps, avant les grandes flambées dans les forêts. C'était il y a quatre ans, quand les Gardiens de la Paix ont mis le feu aux forêts autour du village. Je me souviens qu'à la télé, ils ont dit que ça n'avait pas été très efficace.
La fumée a rendu malade beaucoup de monde et, avant la guerre, il n'y avait déjà plus de place dans le cimetière. Les maisons vides ont servi à Papa et ses camarades pour échapper aux Gardiens.
Mais ils ont fini par les retrouver. Ils étaient cachés dans une maison à la bordure de Reyrieux, proche de la gare, pour s'en prendre à un train de ravitaillement. Mais LIMART a envoyé des avions au-dessus de notre village et seul le centre-ville a survécu aux bombes. Il n'y a presque plus personne maintenant dans Reyrieux et, depuis que l'État de LIMART a remporté la guerre contre les rebelles, on n'a pas revu les Gardiens de la Paix. Jusqu'à aujourd'hui.
Depuis ma chambre, j'entends tout ce qu'il se passe sur la place de la mairie. Alors, quand le gravier crisse sous les roues des fourgons, j'entrouvre les volets pour observer les gens en armure.
Il y a des dizaines de véhicules, énormes, garés en ligne. Monsieur Klein, le buraliste, n'a pas le temps de demander aux Gardiens ce qu'ils sont venus chercher : l'un d'eux sort une épaisse barre de fer noire et lui donne un coup sur la tête. Monsieur Klein tombe au sol et le Gardien le traîne dans son fourgon. Je ne sais pas ce qu'ils sont venus faire au village et j'ai peur.
En temps normal, les Gardiens viennent en groupe pour s'assurer que les citoyens n'ont pas d'armes chez eux, qu'ils connaissent l'hymne national et que personne n'enfreigne les lois. Avant la guerre, ils venaient tous les deux mois. Maman et Papa trouvaient toujours un moyen de cacher Loa, et quand un Gardien de la Paix trouvait sa chambre, comme elle est dissimulée dans un grand placard sous l'escalier, Papa disait que c'était ma cabane à histoires.
Jamais ils n'étaient violents. Je me souviens même d'une Gardienne qui m'avait dit que j'étais très beau ! Et qu'elle aurait aimé avoir la chance d'avoir un garçon qui apprend aussi bien ses leçons. Mais aujourd'hui, ce n'est pas une descente comme avant.
Les hommes et les femmes de la Garde aboient des ordres à tous ceux qu'ils croisent en les bousculant dans les fourgons. Je sens mon ventre se tordre quand une vieille dame se retrouve à terre après qu'un Gardien lui a mis un coup de bâton sur la tête. Elle ne bouge pas et ses cheveux gris commencent à rougir.
- Egan ! Enferme-toi dans la cabane !
Maman hurle du bas des escaliers, il y a de la peur dans sa voix. Et quand elle a peur, il ne faut pas négocier. Quelque chose fait trembler la maison, moins fort que les bombes, mais c'est assez pour faire glisser les pots que Maman fait sécher sur ses étagères.
Il y en a deux qui se brisent et Loa, qui est en train de jouer à la poupée, commence à comprendre que quelque chose ne va pas. Elle crie « Maman !!» encore et encore pendant que je lui cours après afin de nous enfermer dans sa chambre le temps que les Gardiens fassent.
Qu'ils fassent quoi ? Je ne sais pas. Qu'ils entraînent tout le village dans ces corbillards aux vitres teintées ? Loa est partie se cacher sous mon lit et refuse que je l'attrape. Si les Gardiens l'entendent et la trouvent, Maman risque d'avoir de gros ennuis et nous finirons à l'orphelinat de Lyon. Peut-être même que l'un de nous sera envoyé à celui de Marseille, de Strasbourg ou encore plus loin ! Je suis sûr qu'ils ne laissent pas les frères et sours dans la même acropole.
En bas, la porte finit par céder sous les coups de botte en métal, et le craquement du bois sur le carrelage m'indique que nous sommes à court de temps. Tant pis pour la volonté de Loa, la survie prime sur tout le reste, comme disait Papa.
J'arrive à me glisser sous le lit avec elle et lui attrape l'épaule, plaque ma main sur sa bouche et la traîne de toutes mes forces hors de ma chambre. Ses dents s'enfoncent dans ma peau, elle me donne des coups de pied et envoie sa tête en arrière pour essayer de se libérer. Elle ne comprend pas ce qu'il se passe ni que son comportement nous met tous en danger.
Arrivés au tournant du couloir, au croisement de sa chambre et des escaliers, on entend Maman crier. Une autre voix vocifère des injures avant qu'elle ne s'exclame à nouveau, puis, une fois encore, moins fort. Non, pas moins fort, plus loin.
Ils l'emmènent hors de la...
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