Autheur foutu d'un foutu livre,
Escrivain foutu de Cypris,
Qui dans tous tes foutus écrits
Fais voir que bien foutre est bien vivre,
Cent arguments foutus dont tu fais tes leçons,
Pour faire foutre en cent façons,
N'éterniseront pas ta plume.
Non, ce gui te rendra pour jamais glorieux,
C'est que dans ton foutu volume,
Par une nouvelle coutume,
Ta prose nous fout par les yeux. L'ESCOLE DES FILLES
OU
LA PHILOSOPHIE DES DAMES
DIVISÉE EN DEUX DIALOGUES
PREMIER DIALOGUE
Table des matières SUSANNE ET FANCHON, personnages.
Susanne. Bon jour, Fanchon.
Fanchon. Ha! bon jour, ma cousine, et vous soiez la bien venue. Mon Dieu! que je suis ravie de vous voir! et quel bon vent vous ameine donc icy à cette heure que ma mère n'y est pas?
Susanne. Rien du tout que pour te voir, m'amie, et causer un petit avec toy, car il m'ennuyoit, je t'asseure, et il y avoit trop longtemps que je ne t'avois point veüe.
Fanchon. Que vous ne m'aviez point veüe? Vrayement je vous suis bien obligée de tant de peine. Et ne vous plaist-il donc pas de vous asseoir? Vous voiez, il n'y a icy personne que moy, avec nostre servante.
Susanne. Pauvre fille, que fais-tu là? Tu travailles.
Fanchon. Ouy.
Susanne. Hélas! je pense que c'est là ton plus grand affaire, car tu ne sors presque point de la maison, et les femmes te peuvent bien venir voir à ta chambre si elles veulent, car pour les hommes, c'est comme un couvent de religieuses, et il n'y en entre non plus que s'il n'en estoit point au monde.
Fanchon. Hélas! je vous laisse dire, ma cousine. Mais aussi, que ferois-je des hommes, à vostre advis, s'il n'y en a point qui pense à moi? Et puis ma mère dit que je ne suis pas encore assez bonne à marier.
Susanne. Pas bonne à marier (1)! une fille de seize ans, grande et grasse comme tu es! Voilà bien débuté pour une mère qui devroit songer à ton plaisir autant comme elle a fait au sien. Et où est l'amour et charité des pères et mères envers leurs enfants? Mais ce n'est point encore cela que je te voulois dire, car, dis-moy, au pis-aller, es-tu simple de croire qu'on ne puisse avoir compagnie d'homme sans estre mariée?
Fanchon. Nenny vrayement, vous ne me dites rien de nouveau, et ne sçavez vous pas aussi qu'il en vient icy assez souvent.
Susanne. Qui sont-ils donc, ces hommes-là? car je n'en vois point.
Fanchon. Qui ils sont? ah! il y a premièrement mes deux oncles, mon parrain, monsieur de Beaumont, mon cousin de la Mothe, et tant d'autres.
Susanne. Holà! c'est bien de ceux-là que j'entends! ce sont des parens, ceux-là, mais je dis des estrangers, moy.
Fanchon. Et bien! des estrangers, n'y a-t-il point du Verger, du Moulin, monsieur de Lorme et le jeune monsieur Robinet, que je devois nommer le premier, car il y vient assez souvent, luy, et me dit assez de fois qu'il m'aime et bien d'autres choses où je ne comprends rien. Mais à quoy me sert cela? je n'ai pas plus de plaisir avec ces hommes-là qu'avec ma mère et ma tante qui me font rire quelquefois, et j'ayme mieux qu'il n'en vienne point du tout, que de voir ces simagrées qu'ils font (2); car quand je parle à eux, ils sont toujours avec plus de cérémonie et me regardent avec des yeux comme s'ils avoient envie de me manger, et au bout du compte ne me disent point un mot qui vaille; et quand ils s'en retournent, à leur dire, ils sont aussi peu contents comme quand ils estoient venus, et voilà bien de quoy me contenter; pour moy je suis lasse de tant de façons.
Susanne. Mais ne te disent-ils pas quelquefois que tu es belle, et ne te veulent-ils pas baiser ou toucher en quelque endroit?
Fanchon. Ho! ouy bien pour cela, ma cousine; mais Dieu! qui est-ce qui vous l'a donc dit? Je pense que vous devinez ou que vous estiez derrière eux quand ils me parloient, car je vous asseure que c'est la plus grande partie de ce qu'ils me content, de dire que je suis belle, et quelquefois ils approchent leur bouche de la mienne pour me baiser et me veulent mettre les mains sur les tétons; ils disent bien qu'ils prennent plaisir à toucher cela, mais pour moy je dis que je n'y en prends pas.
Susanne. Et les laisses-tu faire quand ils veulent faire ces actions-là?
(3) Fanchon. Vrayement nenny, car ma mère m'a dit que ce n'estoit pas bien fait de souffrir ces choses-là.
Susanne. Hé! que tu es innocente quand je t'écoute parler, et que tu es encore ignorante en tout ce que tu dis.
Fanchon. Et qu'est-ce donc à dire cela, ma cousine? et y a-t-il quelque chose à sçavoir que je ne sçache point?
Susanne. Il y a tout, et tu ne sais rien.
Fanchon. Dites-le moy donc, de grâce, afin que je l'apprenne.
Susanne. Voilà ce que c'est d'escouter toujours une mère et prester jamais l'oreille aux paroles des hommes.
Fanchon. Et qu'est-ce que les hommes nous apprennent tant, ceux-là qu'on dit estre si méchants.
(4) Susanne. Hélas! je le sçay depuis peu, ce qu'ils nous apprennent, à mon grand plaisir. Ils ne sont pas si meschants que tu penses, mon enfant, mais tu es aussi esloignée de le sçavoir qu'un aveugle de voir clair, et tant que tu seras privée de leur compagnie et de leurs conseils, tu seras toujours dans une stupidité et ignorance qui ne te donnera jamais aucun plaisir au monde. Car, dis-moy, en l'estat où tu es, comme une fille qui est toujours avec sa mère, quel plaisir as-tu que tu me puisses dire?
Fanchon. Quel plaisir? j'en ay plusieurs, ma cousine. Je mange quand j'ay faim, je bois quand j'ay soif, je dors quand j'ay sommeil, je ris, je chante, je danse, je saute, je vais me promener quelquefois aux champs avec ma mère.
Susanne. Tout cela est bel et bon, mais tout le monde n'en fait-il pas de même?
Fanchon. Et comment donc, ma cousine, y a-t-il quelque sorte de plaisir que tout le monde n'a pas?
(5) Susanne. Vrayement ouy, puisqu'il y en a un que tu n'as pas, lequel vaut mieux que tous les autres ensemble, tout ainsi que le vin vaut mieux que l'eau de la rivière.
Fanchon. Je demeure maintenant d'accord que je ne sçais pas tout, ma cousine, et ne sçais non plus quel est ce plaisir dont vous me parlez, si vous ne me le montrez autrement.
Susanne. Mais est-il possible que ces hommes à qui tu parles si souvent, et particulièrement monsieur Robinet, ne t'en ayent rien dit?
Fanchon. Non, je vous asseure, ma cousine; si c'est quelque chose de bon, ils n'ont pas eu la charité de me le dire.
Susanne. Comment, si c'est quelque chose de bon! C'est la meilleure chose du monde. Mais ce qui m'estonne plus que le reste, c'est que monsieur Robinet ne t'en ayt rien dit, luy qui t'a toujours montré plus d'affection que les autres; il faut que tu luy ayes rendu quelque desplaisir.
(6) Fanchon. Hélas! au contraire, ma cousine; il le sçait bien, et quand il soupire et se plaint auprès de moy, bien loin que ce soit moy qui luy cause ce mal, je luy demande toujours ce qu'il a et luy proteste toujours de bon cour que je voudrois pouvoir quelque chose pour son soulagement.
Susanne. Ah! je commence à cette heure à comprendre votre mal à tous deux. Mais quand il dit qu'il t'aime, ne luy dis-tu point que tu l'aimes aussi?
Fanchon. Non, ma cousine, car à quoy cela serviroit-il? Si je croiois que cela fust bon à quelque chose, je le luy dirois, mais comme il n'est bon à rien, je ne me sçaurois contraindre à luy dire.
Susanne. Voilà qui t'a trompée, pauvre fille, car si tu luy avois dit que tu l'aimes, il t'auroit infailliblement monstré le plaisir que je te veux apprendre, mais il n'a eu garde jusques icy, puisqu'il luy estoit impossible à moins que tu ne l'aimasses.
Fanchon. Certes, vous me dites là une chose estrange, ma cousine, que pour aimer un homme de la sorte, on doit avoir tant de plaisir; car il me semble que quand j'aimerois Robinet et cent mille autres avec luy, je n'y en aurois pas davantage qu'en ne les aimant point.
Susanne. Cela seroit bon à dire, grosse sotte, si on estoit toujours à se regarder, mais que penses-tu? dame, on se touche quelquefois.
Fanchon. Mais je l'ay aussi touché plusieurs fois, et bien d'autres garçons aussi, mais je n'ay point eu pour cela plus de plaisir.
Susanne. Tu ne touchois que les habits, mais falloit toucher autre chose.
Fanchon. Oh! de grâce, ma cousine, ne me faites plus languir, si vous m'aimez, car je n'entends rien à tout cela; dites moy naïvement ce que je devois faire pour estre si contente avec luy.
(7) Susanne. Pour ne te plus tenir en suspens, tu dois sçavoir qu'un garçon et une fille prennent ensemble le plus grand plaisir du monde, et si cela ne leur couste rien du monde.
Fanchon. Ha! ma cousine, que j'ay desjà d'envie de le sçavoir. Hé! qu'est-ce, et comment est-ce?
Susanne. Donne toy patience, et je te diray tout. N'as-tu jamais veu un homme qui fust tout nud?
Fanchon. Non, jamais en ma vie; j'ay bien vu quelquefois des petits...