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Dans le conflit qui a mis aux prises deux puissantes nations, la France a une grande et profonde responsabilité. C'est elle qui l'a préparé dès longtemps et qui l'a rendu presque inévitable en méconnaissant les conditions de vie de l'Allemagne, en marquant une hostilité sourde ou violente à la nécessaire et légitime unité allemande. Cet aveu est douloureux sans doute, et il semble que ce soit redoubler la défaite du vaincu que le reconnaître responsable, pour une large part, de la guerre où il a succombé. Mais c'est au contraire échapper à la défaite en se haussant à la vérité qui sauve et qui prépare les relèvements. M. de Bismarck a dit : « La France est politiquement le plus ignorant de tous les peuples ; elle ignore ce qui se passe chez les autres. »
Sur l'Allemagne elle s'était longuement méprise. Elle avait oublié le merveilleux génie pratique et agissant de Frédéric II : elle avait oublié aussi l'admirable mouvement de passion nationale qui avait soulevé et emporté l'Allemagne de 1813. Elle se figurait que jamais l'âpre volonté prussienne ne disciplinerait les flottantes énergies de la race allemande. Et elle croyait qu'après une courte crise de patriotisme exaspéré, l'Allemagne, à peine délivrée de l'occupation étrangère, se livrait aux douceurs inertes d'un idéalisme impuissant, et renonçait à fonder dans le monde réel des intérêts et des forces sa grandeur politique, industrielle et militaire.
À vrai dire, si la France avait scruté plus profondément la pensée allemande, elle aurait vu que son idéalisme n'était ni abstrait, ni vain, qu'il s'alliait, au contraire, à un sens très précis de la réalité, ou plutôt qu'il était l'effort immense de l'esprit pour élever à sa hauteur toute la réalité. Hegel avait dit : « Il ne faut pas s'élever du monde à Dieu, il faut élever le monde à Dieu », c'est-à-dire saisir l'idée de l'univers sans abandonner jamais la réalité immédiate.
Ainsi le génie allemand construisait le pont sublime par où un peuple tout entier pouvait passer de l'audace précise de la spéculation à l'audace précise de l'action. Mais, pour le regard des Français, cet âpre paysage, dont l'architecture hardie des systèmes franchissait les abîmes, était comme noyé d'une brume romantique. Il avait comme un aspect lunaire. Quelques hommes pourtant commençaient à voir la réalité, Quinet surtout. Il n'avait pas attendu les durs avertissements que nous donnera Henri Heine en 1840 ; dès 1831, il annonçait que la communauté du génie allemand se traduirait assurément en communauté nationale et politique ; que l'unité allemande se causerait par la Prusse, et que cette force nouvelle, toute chargée de lourdes rancunes et de vieilles haines, menacerait, en son expansion soudaine et rapide l'Europe et la France elle-même. « La contradiction, disait-il, est devenue trop flagrante pour pouvoir durer entre la grandeur des conceptions allemandes et la misère des États auxquels elles s'appliquent. L'ambition publique éveillée par 1814, étouffée, à l'étroit dans ses duchés. Je pourrais nommer les plus beaux génies de l'Allemagne à qui le sol manque sous les pas, et qui tombent à cette heure, épuisés et désespérés, sur la borne de quelque principauté faute d'un peu d'espace pour s'y mouvoir à l'aise. Depuis que les constitutions ont fait des citoyens, il ne manque plus qu'un pays pour y vivre, et la forme illusoire de la Diète germanique, assiégée par les princes et par les peuples, tend à s'absorber un matin, sans bruit, dans une représentation constitutionnelle de toutes les souverainetés locales.. Nous n'avions pas songé que tous ces systèmes d'idées, cette intelligence depuis longtemps en ferment et toute cette philosophie du Nord, qui travaille ces peuples, aspireraient aussi à se traduire en évènements dans la vie politique, qu'ils frapperaient sitôt à coups redoublés pour entrer dans les faits et régner à leur tour sur l'Europe actuelle.
« Nous qui sommes si bien faits pour savoir quelle puissance appartient aux idées, nous nous endormions sur ce mouvement d'intelligence et de génie ; nous l'admirions naïvement, pensant qu'il ferait exception à tout ce que nous savons et que jamais il n'aurait l'ambition de passer des consciences dans les volontés, des volontés dans les actions, et de convoiter la puissance sociale et la force politique. Et voilà cependant que ces idées, qui devaient rester si insondables et si incorporelles, font comme toutes celles qui ont jusqu'alors apparu dans le monde et qu'elles se soulèvent en face de nous comme le génie même d'une race d'hommes, et cette race elle-même se range sous la dictature d'un peuple, non pas plus éclairé qu'elle, mais plus avide, plus ardent, plus exigeant, plus dressé aux affaires. Elle le charge de son ambition, de ses rancunes, de ses rapines, de ses ruses, de sa diplomatie, de sa violence, de sa gloire, de sa force au dehors, se réservant à elle l'honnête et obscure discipline des libertés intérieures. Depuis la fin du moyen âge, la force et l'initiative des États germaniques passe du Midi au Nord avec tout le mouvement de la civilisation. C'est donc de la Prusse que le Nord est occupé à cette heure à faire son instrument ? Oui ; et si on le laissait faire, il la pousserait lentement, et par derrière, au meurtre du vieux royaume de France. En effet, au mouvement politique que nous avons décrit ci-dessus est attachée une conséquence que l'on voit déjà naître. À mesure que le système germanique se reconstitue chez lui, il exerce une attraction puissante sur les populations de même langue et de même origine qui en avaient été détachées par la force. Sachons que la plaie du traité de Westphalie et la cession des provinces d'Alsace et de Lorraine saignent encore au cour de l'Allemagne autant que les traités de 1815 au cour de la France. »
Or, à mesure que les peuples allemands cherchaient à échapper à leur chaos d'impuissance et d'anarchie, à mesure qu'ils marquaient leur volonté de s'organiser, de préluder par l'union douanière à l'union politique et à l'action nationale, à mesure que l'idéalisme allemand se révélait plus substantiel et plus énergique, quelle était la pensée, quelle était l'attitude de la France ? Dès lors, je veux dire dès le règne de Louis-Philippe, il y a dans la pensée française à l'égard de l'Allemagne incertitude, ambiguïté, contradiction. S'opposer à la libre formation d'un peuple c'est répudier toute la tradition révolutionnaire. Au nom de la Convention, Hérault de Séchelles s'écriait : « Du haut des Alpes la liberté salue les nations encore à naître ». C'est l'Allemagne et l'Italie qu'il évoquait ainsi à la lumière de la vie. La féodalité n'était pas seulement tyrannie, elle était morcellement : et la liberté ne pouvait naître qu'en brisant à la fois des entraves et des cloisons. Les démocraties ne pouvaient se former que dans les cadres historiques les plus vastes. Maintenir la nationalité allemande à l'état de dispersion, c'était donc pour la France révolutionnaire refouler et briser la Révolution elle-même : Comment l'eût-elle pu sans une sorte de suicide ? Mais d'autre part laisser se constituer à côté de soi, débordant au-delà même du Rhin, la formidable puissance de l'Allemagne organisée et unifiée, c'était renoncer sinon à toute sécurité, du moins à l'instinct de suprématie. Ah ! qu'il était difficile à la France de devenir une égale entre des nations égales ! Qu'il lui était malaisé de renoncer à être la grande nation pour n'être plus qu'une grande nation ! Il fallait que par un prodigieux effort de conscience elle dominât toute...
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