Notes biographiques sur Euloge Schneider.
Jean-George Schneider, naquit le 20 octobre 1756, à Wipfeld, petit village à 6 lieues de Hirtzfeld, en Franconie, de parents cultivateurs, peu fortunés.
Tout jeune encore, Schneider manifesta un esprit heureusement doué et une grande obéissance. Il dut à ces qualités la protection du chapelain de son village, Valentin Fahrmann, chanoine de l'abbaye de Heydenfeld et cousin de l'évêque de Würtzbourg, qui résidait alors à Wipfeld. Cet ecclésiastique lui enseigna les éléments de la langue latine. Les progrès de son jeune disciple furent si rapides que bientôt il put l'envoyer à Würtzbourg suivre l'instruction du Gymnase, sous la direction des Pères Jésuites. Logé à l'hospice de Jules, il y changea son nom de baptême en celui d'Euloge. Après avoir fréquenté le Gymnase pendant trois années, et s'être distingué sous tous les rapports parmi ses condisciples, il fut reçu à l'Académie, dirigée alors par le bénédictin Roser. Le jeune étudiant y fit de bonnes études, mais en meme temps il s'adonna au penchant d'une liberté effrénée, qui le fit bientôt tomber dans une profonde misère. Se trouvant sans ressources pécuniaires, il se décida d'entrer au couvent des Franciscains de Bamberg, où régnait la plus sévère discipline. On prétend que lors de sa réception, après une année de noviciat, le supérieur dit: « Euloge fera à l'ordre ou le plus grand honneur ou la plus grande honte. » <2> Schneider, après s'être livré, pendant trois années de séjour au couvent, à l'étude de l'hébreu et à la culture de la poésie, fut envoyé par son supérieur à Augsbourg pour y enseigner la langue sacrée dans le couvent des Franciscains. Ce fut dans cette ville, qu'en 1785, à l'occasion de la fête de Ste-Catherine, il prononça un sermon sur la tolérance, qui, en révélant son grand talent oratoire, lui suscita beaucoup d'ennemis parmi le clergé. Le doyen Umgelder, affligé des persécutions auxquelles fut en butte le jeune prédicateur, le recommanda au duc de Würtemberg. En 1786, ce dernier le nomma prédicateur de la cour, après avoir obtenu pour lui la dispense papale comme moine. Les idées libérales que Schneider avança dans ses sermons lui créèrent de nouveaux embarras; il quitta son poste au printemps de l'année 1789, pour accepter une place de professeur de belles-lettres et de langue grecque qui lui fut offerte à l'Université de Bonn.
Dans cette position il ne cessa de se faire des ennemis par ses manifestations libérales. La publication d'un recueil de poésies et d'un catéchisme ne firent qu'en accroître le nombre et ce fut avec enthousiasme qu'il suivit un appel que plusieurs personnes haut placées lui adressèrent de Strasbourg.
Schneider arriva dans cette ville, le 12 juin 1791. Seize jours après, il fut nommé doyen et professeur de l'Académie catholique et vicaire épiscopal du département du Bas-Rhin. Le 12 juillet de la même année, il prêta dans la Cathédrale le serment civique imposé alors aux ecclésiastiques. Le 11 novembre 1791 il fut élu membre du Conseil municipal de Strasbourg. Le 2 décembre il publia une thèse latine sur l'éducation. Le 1er juillet 1792 il mit au jour le premier numéro du journal: Argos, qu'il rédigea jusqu'au moment de son arrestation. Le 18 septembre 1792 il fut envoyé par le Conseil du département en qualité de Commissaire municipal à Haguenau pour y exercer les fonctions de Maire, dont il resta chargé durant trois mois. Le 19 février 1793 il fut élu Accusateur <3> public près le tribunal criminel du Bas-Rhin3. Le 5 mai suivant il fut investi du même titre auprès du tribunal révolutionnaire, dont Taffin était Président, Wolff et Clavel, juges. Lorsque le 8 octobre de la même année, Guyardin et J. B. Milhaud, Commissaires Représentants du peuple, établirent un éé de sûreté générale à Strasbourg, Schneider fut nommé membre de ce Comité.4
Par arrêté du 15 octobre 1793, les Représentants du peuple près les armées du Rhin et de la Moselle, Ehrmann, Mallarmé, J. B. Lacoste, J. Borie, Richaud, Niou, J. B. Milhaud et Ruamps, instituèrent le tribunal révolutionnaire auprès de l'armée, et les membres du tribunal révolutionnaire furent nommés membres de ce nouveau tribunal. Du 5 novembre au 15 décembre, Schneider, en sa qualité d'Accusateur public auprès de ce tribunal, fit condamner à mort 31 personnes, tant à Strasbourg, que dans les tournées que le tribunal, accompagné de la guillotine, fit à Mutzig, Barr, Obernai, Epfig et Schlestadt5. <4> Le 20 novembre 1793, Schneider abjura l'état sacerdotal dans le temple de la raison6 et le 14 décembre suivant il épousa à Barr, une demoiselle [Sarah] Stamm. Revenu à Strasbourg, le même jour avec sa jeune épouse, il fut arrêté le 15 à 2 heures du matin, par le Général Diéche, sur les ordres des Représentants St-Just7 et Lebas8.
On l'enferma à la maison de Justice aux Ponts-Couverts [=Gefängnis], puis on l'attacha à la guillotine sur la place d'Armes9. Enfin conduit dans une calèche à Paris, il fut emprisonné à l'Abbaye10 et plus tard à La Force.
Le 10 avril 1794 Schneider, condamné, à 10 heures du matin, par le tribunal révolutionnaire de Paris, fut guillotiné à 1 heure de l'après-midi. Ses dernières paroles furent: « Il est impossible d'être plus complaisant envers les ennemis de la République qu'en me faisant mourir. »
Parmi le grand nombre de biographies d'Euloge Schneider, nous citerons les suivantes:
- Eulogius Schneider's Leben und Schicksale im Vaterlande. {Vie et aventures de Schneider dans sa patrie.} Francfort 1790. 72 p. in 12. <5>
- Schilderung der neufränkischen Apostel in Strassburg. {Portraits des apôtres français à Strasbourg}: Euloge Schneider, Jean-Jacques Kämmerer, Théodore-Antoine Dereser, François Schwind et Brendel. Sans lieu d'impression. 1792. 112 p. in 8o. - (NN, Schilderungen der neufränkischen Apostel in Straßburg, Eulogius Schneider, Johann Jakob Kämmerer, Thaddäus Anton Dereser, und Karl Franz Schwind, 1792).
- Eulogius Schneiders, ehemaliger Maire zu Strassburg, ernste Betrachtungen über sein trauriges Schicksal, nebst einem flüchtigen Rückblick auf seinen geführten Lebenswandel, von ihm selbst kurz vor seiner Hinrichtung niedergeschrieben, und von einem seiner Zeitgenossen, der Gelegenheit hatte, seit mehreren Jahren ihn in der Nähe zu beobachten, herausgegeben und mit Anmerkungen begleitet. {Méditations sérieuses d'Euloge Schneider, ci-devant Maire de Strasbourg, sur son sort tragique, suivies d'un aperçu de sa vie, écrites par luimême peu avant son exécution, publiées et annotées par un de ses contemporains, qui depuis plusieurs années a eu l'occasion de l'observer de près.} Paris et Leipzig, 1794. 54 p. in 12. -
- (Schneider E. , Ernste Betrachtungen über sein trauriges Schicksal, von ihm selbst ..., 1794). Cette pièce apocryphe qui contient un grand nombre de fausses indications, comme par exemple, la qualité de Maire de Strasbourg donnée sur le titre à Schneider, n'est d'aucune valeur historique.
- Eulogius Schneider's, ehemaliger Professer in Bonn, Schicksale in Franckreich. {Aventures d'Euloge Schneider, ci-devant professeur à Bonn, en France.} Strasbourg11, 1797. 147 p. in 12. - (NN, Eulogius Schneiders ehemaligen Professors in Bonn etc. Schicksale in Frankreich, 1797).
- Engelberti Klüpfel theologici Friburgensis Necrologium sodalium et amicorum literariorum, qui auctore superstite <6> diem suum obierunt, Friburgi et Constantiae, 1809, in 8o. Cet ouvrage renferme une biographie de Schneider {p. 95-103} - (Klüpfel, [1809]).
Dans l'Appel de la Commune de Strasbourg à la République et à la Convention nationale {Livre bleu, I,...