Schweitzer Fachinformationen
Wenn es um professionelles Wissen geht, ist Schweitzer Fachinformationen wegweisend. Kunden aus Recht und Beratung sowie Unternehmen, öffentliche Verwaltungen und Bibliotheken erhalten komplette Lösungen zum Beschaffen, Verwalten und Nutzen von digitalen und gedruckten Medien.
Manet ayant vaincu la résistance de sa famille et obtenu d'elle de suivre sa vocation, choisit, d'accord avec son père, Thomas Couture pour maître et entra dans son atelier.
Personne comme peintre n'a plus étudié que Manet pour acquérir le métier. On comprendra donc qu'enfin entré dans un atelier, il se soit mis à travailler et qu'il ait, au commencement, cherché à utiliser l'enseignement à y recevoir. Mais doué d'un tempérament personnel, soumis à ce travail des natures originales qui cherchent à s'ouvrir leur voie, l'effort même auquel il se livrait pour dégager son talent ne pouvait manquer d'en faire un élève fort peu soumis et en heurt continuel avec son maître, car ils étaient tous les deux de caractères fort différents. M. Antonin Proust, qui après avoir été l'ami de Manet au collège Rollin était devenu son camarade d'atelier chez Couture, a raconté dans la Revue Blanche les rapports entre le maître et l'élève, qui ne sont qu'une longue suite de heurts, de fâcheries suivies de raccommodements, mais qui, venant d'une divergence fondamentale, ne pouvaient manquer de se reproduire jusqu'à la brouille définitive. En effet, le jeune homme que Couture avait reçu dans son atelier était destiné, plus que tout autre, à saper l'art, fait de traditions, dont il était un des apôtres. C'était le loup auquel, en prenant Manet, il avait ouvert les portes de la bergerie. Les deux hommes ne pouvaient donc éviter la rupture irrémédiable, puisque ce que l'un défendait, l'autre d'instinct le combattait et, à mesure que son jugement se fortifierait et prendrait conscience de soi, devait s'appliquer à le détruire.
Couture, au moment où, vers 1850, Manet entrait dans son atelier, était un artiste renommé. Il tenait une place parmi les maîtres de la peinture d'histoire, considérée alors comme formant l'essence de ce qu'on appelait le grand art. Son esthétique était faite du respect de certaines traditions, du culte de règles fixes et de l'observance de procédés transmis. Il croyait, avec la majorité des artistes de son temps, en l'excellence d'un idéal fixe, opposé à ce que l'on appelait avec horreur le réalisme. Certains sujets seuls étaient alors crus dignes de l'art; les scènes de l'antiquité, la représentation des Grecs et des Romains jouissaient des préférences, comme nobles par elles-mêmes; les hommes du temps présent, avec leurs redingotes et leurs vêtements usuels, étaient au contraire à fuir, comme n'offrant que des motifs réalistes, anti-artistiques; les sujets religieux faisaient encore partie du grand art, cependant le nu en était avant tout et principium et fons; puis, à un rang moins élevé mais encore acceptable, venaient les compositions tirées des pays que l'imagination entourait d'un prestige supérieur, l'Orient par exemple; un paysage d'Egypte était par lui-même digne de l'art, un artiste épris de l'idéal pouvait peindre les sables du désert, mais il fût tombé dans le réalisme, et se fut abaissé, en peignant un pâturage de Normandie, avec des vaches et des pommiers. Couture se tenait avec ferveur dans les traditions de ce grand art. Il s'était mis surtout en vue par un tableau d'énormes dimensions, exposé au Salon de 1847, où il avait obtenu un succès éclatant: les Romains de la décadence. Le tableau est au Louvre; en l'étudiant, on peut se rendre compte de ce que valait ce grand art, tel que Couture et les contemporains le cultivaient.
Les Romains de la décadence! Voilà certes un sujet qui prête à l'imagination et peut exercer la pensée. Mais Couture n'a conçu la décadence romaine, qui a été en réalité la transformation d'une société passant d'un état à un autre, que sous la forme d'un affaiblissement physique. Ses Romains de la décadence sont des êtres étiolés, des demi-eunuques pâles, consumés par l'orgie. Acceptons après tout cette donnée, un artiste n'est pas obligé de se rendre un compte philosophique de l'histoire. Cependant, ce que nous ne pouvons lui passer, ce qui nous empêche d'admirer son ouvre, c'est que ses Romains ne sont en aucune façon des hommes antiques, soit qu'on veuille rétablir, par l'étude précise des monuments figurés, le type exact des vieux Romains, soit que, par la puissance de l'imagination, on cherche à évoquer, pour représenter l'antiquité, des formes différentes de celles de notre temps.
Nicolas Poussin s'est livré, lui, à un travail de ce genre dans son Enlèvement des Sabines. Il a réalisé une évocation du passé, il a créé des hommes d'une certaine manière d'être, qui ne sont peut-être pas tels que l'étaient les vrais Romains primitifs, pourtant qui sont dus à une conception originale et nous transportent dans un monde imaginé différent du nôtre. Mais les Romains de Couture n'offrent rien de semblable, ils ne révèlent aucun travail de reconstitution, ce sont des hommes très modernes, de simples modèles, que l'artiste a fait poser et dont il a reproduit les traits, sans pouvoir les transformer. Et alors ils sont disposés selon les préceptes légués et les conventions acceptées; un groupe central en pleine lumière, puis des groupes accessoires à droite et à gauche, tel personnage s'équilibrant avec son pendant ou l'un faisant repoussoir à l'autre, les ombres et les lumières factices et artificielles. Aucun lien ne tient les personnages ensemble dans une action commune, ils restent séparés, on sent l'effort qui les a posés à côté les uns des autres. Nulle émotion ne se dégage donc de cette toile immense.
Si on retourne à l'Enlèvement des Sabines, on voit au contraire que Poussin a su faire concourir chaque être à un effet d'ensemble. La foule en mouvement remue tout d'un souffle; aussi la vie, l'intérêt, la terreur, naissent-ils de l'action. Les personnages petits linéairement donnent une vraie sensation de force et d'ampleur, qui manque aux êtres dont Couture a vainement agrandi les proportions. C'est-à-dire que pour faire de la vraie peinture d'histoire, il faut être d'un certain temps, que pour recréer effectivement l'antiquité, il faut vivre, comme au xviie siècle, à une époque où la pensée se meut naturellement dans une sphère de traditions littéraires et, par surcroît, avoir du génie, comme Nicolas Poussin. Mais lorsque, toutes les conditions changées, on veut perpétuer l'invention initiale, par des procédés d'école, on n'obtient que des ouvres pauvres, où manquent le souffle et la vie. Tout l'effort de Couture n'a pu le mener au but. Sa toile, dans son genre, est évidemment meilleure que d'autres. Il a fallu après tout du talent pour agencer, même imparfaitement, une aussi vaste composition, l'homme qui l'a exécutée y montre, on ne saurait le nier, certaines qualités de peintre. Mais toute la sueur et toute la peine n'ont pu réaliser, en dehors du temps voulu et en l'absence du génie évocateur, la vision recherchée du monde antique.
L'art fait de traditions dont Couture était un des coryphées était arrivé de son temps à la décrépitude; l'étude de ses ouvres et de celles des contemporains révèle son épuisement. Au moment où Manet apparaissait, il y avait donc conflit entre les artistes en renom, obstinés à continuer une tradition épuisée, et ces élèves cherchant inconsciemment la vie et aspirant à créer des formes d'art, appropriées aux besoins nouveaux. Couture était de ceux qui voulaient maintenir indéfiniment les formules du passé, Manet était au premier rang des jeunes, travaillés par l'esprit novateur. Les heurts et les froissements survenus entre le maître et l'élève n'étaient donc que la manifestation, sous forme de conflit personnel, de la lutte plus profonde qui s'engageait entre des formes de pensée dissemblables et des conceptions d'art antagonistes.
On voit, en effet, par les souvenirs de M. Antonin Proust, que Manet se prend d'une répulsion de plus en plus vive pour le genre que son maître cultive et qu'il veut lui transmettre, la peinture d'histoire, et qu'alors il se porte, à mesure qu'il prend conscience de son propre talent, vers l'observation de la vie réelle. Couture qui découvre que son élève lui échappe, pour aller vers ce que lui-même abhorre et qualifie du nom méprisant de réalisme, croit lui fermer tout grand avenir, en lui disant un jour: «Allez, mon garçon! vous ne serez jamais que le Daumier de votre...
Dateiformat: ePUBKopierschutz: Wasserzeichen-DRM (Digital Rights Management)
Systemvoraussetzungen:
Das Dateiformat ePUB ist sehr gut für Romane und Sachbücher geeignet - also für „fließenden” Text ohne komplexes Layout. Bei E-Readern oder Smartphones passt sich der Zeilen- und Seitenumbruch automatisch den kleinen Displays an. Mit Wasserzeichen-DRM wird hier ein „weicher” Kopierschutz verwendet. Daher ist technisch zwar alles möglich – sogar eine unzulässige Weitergabe. Aber an sichtbaren und unsichtbaren Stellen wird der Käufer des E-Books als Wasserzeichen hinterlegt, sodass im Falle eines Missbrauchs die Spur zurückverfolgt werden kann.
Weitere Informationen finden Sie in unserer E-Book Hilfe.