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Il y avait certes de longues années que mon père était malade. Mais il supportait si vaillamment ses souffrances, il acceptait avec une si souriante résignation la vie réduite, que nous avions fini, ma mère, mon frère et moi-même, par nous délier un peu de l'extrême inquiétude d'autrefois, alors qu'il débutait dans la douleur.
Tel quel, marchant au bras de l'un de nous, appuyé sur sa canne à bec d'argent, au sujet de laquelle il conta à notre sour et à son petit-fils tant d'histoires merveilleuses, tel quel, la tête droite, l'oil vif, la main tendue vers l'ami qui entrait, il faisait la joie, la vie de la maison. Il la tenait serrée autour de lui cette famille qu'il chérissait et illuminait des plus doux regards, il l'abritait de sa force morale immense, toujours intacte, même grandissante. Il créait une atmosphère de bonté et de confiance à laquelle les plus froids, les plus fermés n'échappaient point.
J'en appelle au témoignage des innombrables amis, camarades de lettres, inconnus qui venaient rendre visite à l'écrivain. Ils le trouvèrent immanquablement prêt au conseil, au service, prêt à la précieuse parole qui entr'ouvre la confidence, apaise et guérit.
Nul ne sut comme lui le chemin des cours. Il avait eu des débuts difficiles et son extrême sensibilité, dont j'essaierai bientôt l'analyse, lui représentait avec un relief et une vigueur de détail inouïs, toutes les difficultés, toutes les rebuffades, toutes les hontes. Lorsqu'un homme était devant lui, le visage en pleine lumière, il le devinait, le jugeait avec une précision magique, mais il s'abstenait de paroles, ne se servait que de ses yeux doux, voilés, si pénétrants. « Son regard réchauffait », telle est l'expression qu'en ces jours de deuil j'ai retrouvée sur tant de lèvres, et j'en admirais la justesse. Aussi l'aveu, ce baume des âmes qu'a closes l'indignation ou le mépris, consolation des affligés, des abandonnés, des révoltés, l'aveu sortait sincère des poitrines les plus rudes, et les oreilles de mon bien-aimé ont entendu d'étranges confessions.
Je crois aussi qu'on devinait en lui une véritable ferveur d'indulgence. Il devait à son sang catholique l'amour du pardon et du sacrifice. Il croyait que toute faute se rachète, que rien n'est absolument irréparable en face d'un repentir sincère. Tant de malheureux sont prisonniers du mal qu'il ont causé et ne recommencent que par détresse ! Mon père avait un suprême argument : il se montrait lui-même, frappé en pleine gloire, se maintenant par la volonté. Il s'offrait en exemple et sa force était telle que bien peu résistaient.
Aussi, quelle éloquence intime ! Ses paroles et ses intonations demeurent intactes dans ma mémoire. Son timbre n'était pas le même lorsqu'il contait quelque histoire, en termes déliés, splendides et précis, ou lorsqu'il s'adressait à une souffrance. Il se servait, en ce dernier cas, de mots d'abord assez vagues, plutôt chuchotés que parlés, accompagnés de gestes d'une persuasion discrète. Peu à peu, avec des précautions et une délicatesse infinies, cela s'accentuait, se rapprochait, enserrait l'être de mille petits liens sensibles et insensibles, réseau ténu et minutieux du cour, où le cour bientôt battait plus vite. Ainsi faisait-il le stratège. Et ce que je ne puis exprimer, c'est la spontanéité, la grâce irrésistible de ces manouvres demi-méthodiques, demi-instinctives et dont le dernier résultat était de soulager une misère.
Il attendait beaucoup du silence. En ce silence vibraient ses dernières paroles qui gagnaient ainsi de la grandeur. J'en vois certains debout devant sa table, les yeux humides, les mains tremblantes. J'en vois d'assis, mais tournés vers lui dans un mouvement de reconnaissance, étonnés d'une pareille sagesse. J'en vois d'intimidés, de bégayants qu'il savait rassurer d'un sourire. Ou bien, attendant l'effet de son discours, il feint de chercher une feuille de papier, sa plume, sa pipe, son monocle sur sa table toujours encombrée.
Dépositaire de tant de secrets, mon père les garda pour lui seul. Il les a emportés dans la tombe. Souvent je devinais certaines choses, mais lorsque je le questionnais, il m'échappait tendrement et raillait ma curiosité.
Tout au loin, tout au fond de ma petite enfance, j'aperçois la bonté de mon père. Elle se manifeste par des caresses. Il me serre contre lui ! Il me conte de si belles histoires ! Nous nous promenons dans les rues de Paris et tout a un aspect de fête. Je sens la tiédeur du soleil, puis une autre tiédeur plus douce et proche de moi, qui m'est transmise par la chère main robuste. Je sens dans ma poitrine étroite quelque chose de matériel et d'exquis par quoi ma respiration est plus vive et que j'appelle déjà le bonheur. Et je me répète en marchant que je suis très heureux aujourd'hui. Mon père me parle. Il n'a pour moi ni traits, ni visage, il n'a pas de nom ; il n'est pas glorieux. Il est tout simplement mon père. Je l'appelle souvent papa, papa, pour la simple joie de ce mot auquel se rattachent pour moi tous rudiments d'idées brillantes et sensibles. Je l'interroge sur tout ce qui passe pour entendre le son de sa voix qui me paraît la plus belle musique, en accord avec l'allégresse, la lumière et tous mes désirs.
Nous passons par des places pleines de monde, nous entrons dans de grandes maisons. Ceux qui nous accueillent sont gais et toujours papa les fait rire. Je comprends à merveille qu'il y a en lui quelque chose de plus que dans les autres. C'est vers lui qu'on se tourne, c'est à lui qu'on s'adresse.
Nous sommes, lui, ma mère et moi, dans le cabinet de travail. Nous habitons alors, 24, rue Pavée-aux-Marais, l'ancien hôtel Lamoignon. Il y a encore du soleil, cette fois sous forme d'un grand filet jaune qui prolonge les dessins du tapis et que je m'obstine à faire reluire en le frottant avec ma main. Ma mère est assise et écrit. Mon père écrit aussi, mais debout, sur une planchette fixée au mur. Parfois il s'interrompt, se retourne, interroge ma mère. À la façon dont ils se regardent, je devine leur mutuelle confiance. Parfois il quitte son poste, marche de long en large, à grands pas, répétant à mi-voix des phrases que je sais être son travail. Ils font partie de mon atmosphère enfantine ces colloques de mon père avec lui-même lorsqu'il « se plonge dans son travail ». Cette expression me fait souvent rêver. Mais le labeur le plus acharné ne l'empêche pas, lorsqu'il passe près de moi, de me soulever dans ses bras, de m'embrasser, de me poser debout sur un fauteuil ou sur la table, exercice dangereux et charmant où j'ai pleine confiance en sa force.
Parmi tous mes camarades, il est celui qui sait le mieux jouer. Nous avons, dans un coin, un grand tas de boulettes de papier pour faire la bataille de neige. Nous avons un angle du salon où deux fauteuils juxtaposés forment notre réelle cabane, où nous ne redoutons point les sauvages, où croissent en abondance les fruits des îles fortunées.
Lorsque l'hiver nous groupe autour du feu, l'abri de Robinson se trouve entre les genoux mêmes de mon père. Le toit de la cabane, c'est son éternelle couverture qui prend les formes les plus étranges, les destinations les plus imprévues. L'état de mon esprit est double. Je sais que mon père imagine, qu'il tient les fils de l'intrigue, cependant je crois en mon rôle, j'habite avec lui une contrée solitaire qu'éclaire un terrifiant incendie.
Chose douloureuse, plus tard, bien plus tard, il y a un an et demi, alors que j'avais la fièvre typhoïde, que mon père me veillait chaque nuit, ma pauvre tête vague et flottante ranimait ces souvenirs lointain ; telle qu'une convalescente infirme, ma mémoire s'en allait cueillir ces fleurs de mon extrême jeunesse. Je refaisais la route des années et je considérais avec une inexprimable tendresse le beau visage tourné vers moi sous la lueur de la lampe. Il ne me semblait point...
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